Fribourg (Suisse) Dimanche 8 juillet 2001. Bon, eh ben… je l’ai fait !
Un exploit: me tirer du lit un dimanche matin à 3h10 (sans déc.!) pour être à Fribourg (Suisse) à 5h15 tapantes…
C’est bizarre, il y avait plein de monde, là, sur la place de l’hôtel de ville. Nous étions près de 600…
Météo très couverte oblige, 30 minutes de retard au programme, fallait bien que la lumière solaire traverse les épais nuages.
Finalement, c’est sous une petite pluie fine que nous recevons nos explications et consignes. Aucun vêtement, ni chaussettes, ni chaussures, ni bijoux, ni lunettes. On peut garder ses piercings.
Trois photos seront prises, à trois endroits, on nous explique les poses. Il faut absolument remplir une décharge autorisant le photographe à exploiter les photos, les non-participants sont invités à se mettre à l’écart.
Encore quelques minutes d’attente, histoire de demander aux journalistes de se mettre en place, c’est à dire pas n’importe où.
Bon, le moment approche. Une certaine tension est perceptible. Les gens se regardent, “Vais-je oser?”, “C’est complètement fou”, “Qu’est-ce qui m’a pris?”…
Enfin, c’est le moment. Une seconde d’hésitation, personne ne veut être le premier, un T-shirt s’enlève, puis 10, puis tous, les shorts, soutien-gorge, slips font de même. 600 personnes, toutes diverses, un amas hétéroclite de styles vestimentaires, en 10 secondes transfigurés, réunis, rassemblés, retrouvent soudain leur état naturel. Les gens si inquiets tout à coup semblent détendus, sourient, courent vers le premier emplacement.
Une fois arrivés, les premiers se retournent, et applaudissent ! Tous alors se joignent dans un concert d’applaudissements, comme pour remercier le photographe d’avoir permis cela : un pari fou, que personne n’aurait osé seul, est soudain devenu réalité, 600 personnes réunies par leur totale nudité en pleine ville de Fribourg !
Nous sommes placés; quelques corrections pour mieux disposer les figurants; tout le monde se couche. Interdiction de regarder l’objectif. On attend, le photographe travaille, encore quelques corrections de détail ici et là. La première photo est prise, tout le monde se lève, re-applaudissements !
Nous allons au deuxième emplacement, les poses sont différentes, tous allongés sur le dos, entièrement à plat. Toutes les têtes dans le même sens.
Même scénario, corrections ici et là, l’assistant court ici, repart là, s’en va.
Il se met à pleuvoir plus fortement, nous grelottons. Une attente de 30 secondes, une minute à peine peut-être, interminable, quelques impatients lancent un “Ça vient?”, ou un “On se pèle!”… Deuxième photo, on se relève.
Troisième emplacement, le photographe nous place, nous répartit de façon à occuper tout le champ de l’objectif. Re-belote: “Je n’aime pas la pose de cette personne”, “Celle-là non plus”, “avancez par ici”, “Tournez les têtes, ne regardez pas l’objectif”, puis “Voila, c’est parfait, on ne bouge plus !”
On se relève, transis de froid, on se regarde un peu incrédules, pas encore tout-à-fait bien réveillés, on doit avoir rêvé… C’est à peine croyable, nous sommes bel et bien tous nus, ici, en pleine ville… Quelques réchauffés sautent dans la fontaine, histoire de profiter de la seule occasion qu’ils auront de le faire sans encombre.
Plusieurs d’entre nous, passant à côté du photographe, lui serrent la main, lui disent “MERCI!”, lui donnent une tape sur l’épaule… Le froid ne nous permet pas de faire durer plus cet instant magique, nous nous rhabillons. Et de nouveau, les regards se font petit à petit plus distants, plus froids,…
Je retourne à la voiture, j’ai promis les croissants et pains au chocolat à ma chérie. Il est 6h30 passées, j’ai une heure de route, et elle se lève à 7h30 our aller travailler. Elle est un peu fiévreuse, heureusement qu’elle n’est pas venue, il a vraiment fait froid. Mais elle a raté quelque chose d’exceptionnel… et cela lui aurait plu si elle avait été là.
Est-ce du naturisme ? Pas trace de nature, hormis les être humains. Les poses sont statiques, tous sont allongés dans des poses désarticulées, pas de visages visibles, c’est un peu lugubre. En revanche, l’expérience de la métamorphose de 600 individus isolés en une foule complice, réunie dans un instant de nudité, cet aspect irréel, cette incrédulité et pourtant…
Je me réveille, ça a dû être un rêve… Atchoum ! tiens ? Non ! Pas possible !
Je l’aurais vraiment fait malgré tout?
Eric Zucker
http://www.naturisland.com
Photos provenant du site http://www.largeur.com/expArt.asp?artID=793