Au regard du code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, la nudité entre dans le champ de l’article 222-32 visant la répression de l’« exhibition sexuelle ». Bien qu’inspirée de l’ancien article 330 relatif à l’outrage public à la pudeur, cette disposition est plus restrictive que l’ancien délit, en ce sens que l’acte d’exhibition sexuelle doit, d’une part, avoir été commis « dans un lieu accessible aux regards du public », d’autre part, « imposé à la vue d’autrui ».
S’il est vrai que le législateur de 1994 a eu pour but de prévenir une atteinte à la pudeur, au nom d’un instinct moral qui interdit de montrer certaines parties du corps, en raison de ce qu’elles se rattachent à l’acte sexuel (Limoges, 13 juin 1975 : D 1976. Somm. 17), non seulement il n’a pas défini cette notion, mais les actes poursuivis du chef de l’exhibition sexuelle recouvrent des réalités très différentes.
Certes leur point commun est qu’elles concernent nécessairement des actes ou des gestes susceptibles d’offenser la pudeur d’autrui, mais ces derniers consistent soit en une exhibition des parties sexuelles ou d’attitudes déplacées, soit en la simple « exhibition » de la nudité du corps humain.
Seul cet aspect sera retenu ici, sachant que la simple nudité ne s’analyse pas en « exhibition » au sens d’acte impudique ostentatoire, mais plutôt en l’exposition intégrale du corps, l’individu choisissant de ne pas cacher certaines parties de son anatomie, au nom d’un idéal personnel ou collectif : dans le premier cas, on est en face d’une attitude active, dans l’autre d’une attitude passive.
Les tribunaux considèrent que le spectacle de la nudité du corps humain, fréquent à notre époque pour des raisons de sport, d’hygiène ou d’esthétique, n’a en soi rien qui puisse outrager une pudeur normale, à condition qu’il ne s’accompagne pas de l’exhibition des parties sexuelles (cf. par exemple, Douai, 28 septembre 1989 : D 1991. Somm.65, obs. Azibert), sauf dans le cas où la nudité est pratiquée dans des lieux spécialement destinés en vue du naturisme (cf. Réponse ministérielle : JO du 30 juin 2003, page 5244). Ainsi, la seule exhibition de la nudité dans une ambiance strictement naturiste (telle l’île du Levant) ne doit pas donner lieu à poursuites (T. corr. Toulon, 4 décembre 1952 : D. 1953.2.101, note Carias ; JCP 1953.II.7451, note Combaldieu). En revanche, se rend coupable d’atteinte à la pudeur le nudiste qui traverse une rue, s’exposant ainsi à la rencontre, même non prévisible, de touristes et de promeneurs (Aix-en-Provence, 10 décembre 1953 : D 1954.113 ; S 1954.2.80 ; JCP 1954.II.7943).
La nudité n’est pas punissable quand elle est pratiquée dans un lieu privé, car la publicité constitue un élément essentiel du délit. Cela signifie que l’outrage à la pudeur, qui existe indépendamment de toute volonté d’affronter la publicité, n’est puni qu’autant qu’il est commis dans un lieu public ou que, commis dans un lieu privé, il a pu être aperçu du public.
Par lieu public, on entend tout lieu public par nature, c’est-à-dire accessible de manière permanente et absolue (rue, plage, parc), ou par destination, c’est-à-dire où le public est admis à pénétrer ou séjourner librement (par exemple, un sauna accessible à toute personne acquittant un droit d’entrée. TGI Paris, 5 décembre 1978 : JCP 1979.II.19138, note Brière de l’Isle).
Si un chemin public détermine la publicité de l’acte (Crim. 1er décembre 1848 : S 1849.1.543), un champ de maïs le long d’une route n’est pas un lieu public ou accessible au regard du public, n’étant pas un lieu de passage ou de promenade dans lequel de nombreuses personnes sont susceptibles de se trouver (T. corr. Marmande, 3 mai 1984 : Gaz. Pal. 1984.2. Somm. 431).
La circulaire du 14 mai 1993 précise que « pour être répréhensible, l’exhibition [doit être] réalisée dans un lieu accessible aux regards du public et dans lequel une personne non consentante est susceptible de l’apercevoir (ce qui n’est pas le cas dans un lieu où se trouvent des naturistes) » Pour certains, cette dernière observation signifierait que la présence de naturistes suffirait à rendre un lieu implicitement naturiste où l’infraction n’est pas constituée. Cette interprétation extensive du texte est abusive. La seule présence de naturistes dans un lieu public ouvert à des non naturistes est insuffisante pour écarter l’incrimination. Il ne peut s’agir que de lieux clos aménagés en vue de la pratique du naturisme.
En précisant que l’acte doit être imposé, l’article 222-32 détermine le caractère intentionnel de l’infraction et sanctionne ainsi l’individu qui s’exhibe en sachant qu’il le fait dans un lieu public. En revanche, le délit est réalisé indépendamment de toute volonté d’affronter la publicité, par le seul motif que l’agent n’a pas fait ce qui était nécessaire pour l’éviter (Crim. 28 avril 1881 : DP 1881.1.447).
Il a été jugé depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal que le délit d’exhibition ne pouvait être retenu pour des ébats dans une automobile fermée et garée dans un parc de stationnement, à l’abri des regards, sauf à venir regarder l’intérieur du véhicule (Paris, 3 décembre 1994 : Dr Pénal 1995.89, obs. Véron ; Ibid. 1998.Chr. 11, obs Lesclous et Marsat). À l’inverse, constitue le délit d’outrage à la pudeur le fait de se livrer à des actes obscènes dans une voiture ou la cabine d’un camion, dans des conditions telles que des personnes pouvaient fortuitement les apercevoir (Crim. 18 juillet 1930 : Bull. crim. n° 205 ; 19 avril 1939 : Bull. crim. n°89 ; Gaz. Pal. 1939.1.855 ; T. corr. Poitiers, 24 juillet 1958 : JCP 1958.II.10855, note de Lestang. V. encore Crim. 1er juillet 1970 : Bull. crim. n° 220).
Ø Bien que ces affaires concernent toutes des actes obscènes commis dans des véhicules à l’arrêt, la question se pose au regard de la conduite nue pratiquée par de nombreux naturistes. L’habitacle du véhicule est par définition un lieu privé, mais pourrait-on reprocher à ce conducteur qu’il n’a pas pris en compte la présence de témoins involontaires, notamment lorsqu’il est ponctuellement à l’arrêt, encore que la position assise soustraie normalement ses parties sexuelles au regard du passant « non curieux » ? Aucune réponse à cette question n’est garantie !
En effet, commet l’infraction le prévenu nu pendant plusieurs heures dans sa voiture stationnant sur la voie publique le long d’une rivière, car « il n’est (…) allégué aucun changement de vêtement qui aurait pu justifier temporairement sa nudité » (Grenoble, 27 août 1997).
Ø La même observation est valable en ce qui concerne les naturistes qui ont l’habitude d’être nus soit dans leur logement, soit dans leur jardin.
En application du principe selon lequel l’outrage à la pudeur devient public lorsque, accompli dans un lieu privé, il a pu être involontairement aperçu par des tiers, faute de précautions suffisantes de la part de l’intéressé (cf. Grenoble, 7 juillet 2000 : JCP 2001.IV.1469), l’incrimination sera écartée lorsque le plaignant aura dû monter sur une échelle ou utiliser des jumelles pour « constater l’infraction ».
Néanmoins, toute personne qui persisterait à se mettre nu dans son jardin, malgré les requêtes répétées des voisins, serait passible des poursuites pénales prévues (Crim. 26 mai 1999).
Ø La pratique de la « randonnue » se place en principe sous le coup de l’article 222-32, dès lors qu’elle se déroule dans des lieux accessibles au public : il s’agit souvent de forêts ou de circuits isolés mais que peuvent fréquenter des promeneurs, des cyclistes, d’autres randonneurs, voire des chasseurs, susceptibles de croiser fortuitement le chemin des personnes circulant, seules ou en groupe, à l’état de nudité.
Pour réduire les risques de poursuite, il convient de réunir un maximum de précautions pour prévenir de telles rencontres qui peuvent être préjudiciables : emprunter de préférence des chemins écartés, éviter les heures ou les périodes d’affluence, etc., tous éléments susceptibles d’étayer une argumentation si elle se révélait nécessaire auprès des forces de l’ordre.
APM
Bonsoir,
Sur Natitude, il y a un article comportant une réponse du Garde des Sceaux de l’époque Henri Nallet qui disait: “en application de cette nouvelle disposition, seuls les comportements sexuels présentant le caractère d’une exhibition imposéeà des tiers tomberont sous le coup de la loi pénale, et ne seront donc incriminées que les attitudes obscènes ou provocatrices”
Il aurait mieux fait de l’écrire dans le décret d’application!
Amitiés
Francis
il n’y a pas de décret d’application, mais une circulaire, texte destiné aux parquets.
En tout cas je suis content de voir que l’auteur du texte et moi sommes du même avis !!!
Tout ça est très intéressant et tout se règle au cas par cas en fonction des attitudes du juge face au style de vie des naturistes.
Ce qu’attend tout naturiste français est la différence pénale entre naturisme légalisé et exhibitions sexuelles publiques punis.
mikael
Bonsoir,
Merci à fpicard pour la précison.
Amitiés
Francis
Tout le plaisir est pour moi !
Amicalement
Frédéric
La nudité peut donc être un délit selon le bon vouloir des juges sauf si elle est pratiquée dans un lieu autorisé ou toléré. On est donc potentiellement en infraction en pratiquant la randonue ou en étant nu chez soi dans la mesure où cela entraine la plainte d’un tiers.
Il y a dans la pratique une certaine tolérance qui devrait être inscrite dans la loi. Le “lobby” naturiste n’est probablement pas assez puissant pour faire pression sur les politiques qui pourraient demander la dépénalisation de la simple nudité(en dehors de toute manifestation à caractère sexuel). Peut-être faudrait-il faire un pèlerinage à Bègles?
En matière de code pénal français, cela n’existe plus depuis 1993, l'”outrage à la pudeur” (ceci afin de recentrer le délit ou le crime sur l’agression sexuelle réelle et non subjective – ce qui resterait à affiner), définitivement ; alors pourquoi l’article ci-dessus, qui aurait pu faire ce rappel au passé, reprend-t-il (à trois reprises) cette notion périmée, comme si elle était toujours d’actualité, sinon pour embrouiller l’esprit du lecteur?
En rester au niveau de l’existant continue à encourager l’amalgame entre exhibition sexuelle et nudité vécue dans un esprit naturiste, à travers la réitération d’interprétations de la loi grossièrement répressives – un acharnement qui constituerait toute nudité “non désirée” en agression punissable, en-dehors de toute manifestation d’une réelle nuisance (et encore, en cas de plainte valable, la peine apparaît disproportionnée à l’acte). Renvoyer à des décisions datant de 1952, 1953 sonne de façon ridicule.
Puisqu’un seul témoignage suffit – témoignage dont la crédibilité doit pouvoir être mise en doute – (ou un seul rapport de police – mais dans ce cas, on peut compter de nos jours sur une discrimination judicieuse), la loi a trop souvent joué de manière inique, en donnant raison à des esprits ultra-pudibons et répressifs, en l’absence de réelle nuisance. Pour rappel, seul un agent de police judiciaire est apte au contrôle d’identité. Celui, celle qui, motivé(e) par un imaginaire faussé, à tendance paranoïaque et/ou sadique, va s’attaquer (en-dehors donc des lieux avertis) à un nudisme dénué de toute intention agressive et même négative, porte, de par l’usage faussé de cette loi (détournée de son but), grande nuisance à autrui : l’agresseur, dans ce cas, est donc non pas le nudiste discret mais celui, celle qui utilise le pouvoir répressif d’une loi (conçue, la plupart du temps, dans sa version obsolète) à mauvais escient, dans le dessein de punir une intention, un acte qui, dans sa réalité, n’existe pas.
“Faire ce qui était nécessaire pour l’éviter” signifie simplement qu’en cas de rencontre inattendue, dans laquelle un tiers opposé à la nudité n’est pas prévenu de son apparition, “l’agent” incriminé pour “exhibition” (un terme dont je réprouve l’usage en matière de naturisme, dans lesquel l’exhibition n’est ni active ni partielle, contrairement au sens fortement suggéré par l’esprit du texte de loi), cet agent donc est tenu de faire en sorte de réagir rapidement en cachant “ce corps que l’on ne saurait voir” d’une manière ou d’une autre. Ceci étant posé, le naturisme en lieu public approprié, c’est-à-dire en lieu retiré ou admis du fait d’une certaine pratique collectivement tolérée, ne devrait en effet pas constituer entrave à l’article 222-32, qui ne vise pas à réprimer des attitudes correctes bien qu’inhabituelles.
Salut !
Il faut être clair : le délit prévu par l’article 330 qui n’existe plus était celui d’outrage PUBLIC à la pudeur, mais la notion d’outrage à la pudeur, comprise en un sens générique et non comme définition du délit est maintenue puisque le délit d’EXIBITION sexuelle (que le terme plaise ou non au lecteur du code) a pour objectif d’éviter qu’une personne puisse souffrir une atteinte à sa pudeur.
Ce qu’on pense, ce à quoi on aspire est une chose, ce que prévoit le code et ce que dégage la jurisprudence en est une autre à laquelle il n’est guère facile d’échapper.
Il faut lire les notes sur ce sujet avec un esprit plus apaisé et sans cette sorte de hargne qui ne ferait qu’envenimer les choses, si la situation se présentait avec des tiers “outragés” ou des agents de l’ordre.
Comme en toute chose, la modération s’impose. Pas d’amalgame, mon cher !
Bon ! OK ! c’est pour une bonne part (sans vouloir offenser l’auteur de cet article) écrit en jargon juridique. Alors pour moi qui pène à lire et comprendre mes contrats d’assurances… voyez ? Cependant, si j’ai pigé l’essentiel, la nudité en france c’est encore “juridiquement” quelque chose d’assez difficile à faire passer ? Si c’est comme ça en Fr, imaginez ailleurs. Je serais bien curieux de savoir pour ici, dans mon Québec natal, ce que disent les lois concernant la pratique du naturisme. Bon vous l’aurez compris, j’irai même pas voir car je suis certain de ne pas pouvoir décoder les textes. Ça m’étonnera toujours de constater qu’il faille revendiquer la nudité. Peut-être parceque je suis un naturiste de naissance ? L’animal humain est la seule bestiole sur cette planète terre à ne pas pouvoir supporter la vue de l’autre nu. Je sais c’est culturel… ça prendra du temps. On a la liberté de penser (Dieu merci), celle de dire et d’écrire, et c’est bien, mais on à pas la liberté du corps !!! C’est grave ça ! C’est grave de constater que l’on est soumis à une “certaine dictature du vêtement”. De constater que ce que j’ai de plus beau et de plus précieux dans la vie, (mon humble carcasse), soit considéré par une large majorité de gens comme quelque chose de laid, d’impure, de grossier et d’indéscent.
Benoît-le-naturiste-naif (qui n’a jamais compris pourquoi mon pubis fesait scandale, alors que celui de mon chien qui est exposé sur la place publique à la vue de tous, passe comme du beurre dans le poëlon. D’autant, que celui de mon chien est bien plus laid !!!)
Finalement, le Nouveau Code Pénal autorise la nudité en public… dans les centres naturistes!
Après avoir lu tout ça, ça me refroidi un peu d’aller faire une randonnue, seul encore plus…….