Le Flore, mardi 13 juin 2006 , Pour ce dernier café géographique de l’année 2005-2006, et avant de partir en vacances, nous avons voulu discuter des territoires du naturisme. Un sujet bien moins anecdotique qu’il n’en a l’air, et beaucoup plus passionnant que ne peuvent le penser les adeptes de la vieille géographie inhumaine et désincarnée, c’est-à-dire ignorant la place du corps. Par bonheur Francine Barthe, de l’université d’Amiens et auteur du best-seller Géographie de la nudité, être nu quelque part et Emmanuel Jaurand de l’université paris XII, ont choisi d’étudier le naturisme pour mieux comprendre les rapports sociétés/nature et le jeu des appropriations territoriales.
Francine Barthe s’est intéressée au naturisme à l’issue de sa thèse sur les pratiques de nature dans les grands parcs publics urbains français (voir Aux parcs, citoyens !). Visitant les grandes villes d’Europe pour voir si sa typologie des pratiques était pertinente hors de France, elle s’est retrouvée un dimanche midi du mois de mai, à Berlin, dans Tiergarten, face à des familles qui pique-niquaient paisiblement, totalement nues, avec plusieurs générations représentées et sans que personne autour ni ne s’étonne ni ne s’offusque de la scène. A cet endroit précis de Tiergarten, la nudité était banale, le naturisme accepté. Elle découvre ensuite que la France est la première destination naturiste mondiale, puis que ces pratiques naturistes produisent nécessairement des territoires… Une curiosité géographique était née !
Le naturisme produit des territoires très géographiques, renchérit Emmanuel Jaurand qui distingue les centres naturistes qui relèvent de l’industrie touristique et les plages naturistes qui relèvent de l’espace public. Et le thème du genre des territoires, sur lequel on reviendra, est lui aussi éminemment géographique. Son intérêt pour le naturisme est lié à une escale sur l’île du Levant au retour de l’île voisine de Port-Cros, où il découvre non pas un espace sectaire, mais bien plutôt un espace de liberté, en dépit du partage de l’île par des barbelés entre le domaine militaire et le domaine naturiste.
Naturisme = nudisme ‘
La confusion est fréquente dans l’usage courant entre nudisme et naturisme. De fait, dans le film Camping, les campeurs utilisent un mot pour l’autre sans se soucier de la distinction terminologique. Distinction qui s’estompe d’après Emmanuel Jaurand, à en croire les municipalités qui prennent des arrêtés d’autorisation de nudisme de plage parlent de naturisme (pratique de nudité collective, qui n’est pas uniquement balnéaire et qui vise une harmonie avec la nature et une égalité entre les gens). Certains panneaux de signalisation font toutefois la distinction entre « nudisme interdit » et « plage naturiste », à croire que le premier mot serait péjoratif.
Historiquement, le naturisme prônait jusqu’au milieu du 20e siècle une médecine naturelle, l’hygiénisme, le sport, une vie sans tabac ni alcool, le corps sain de chacun devant permettre une régénération de toute la société, face à la révolution industrielle et l’urbanisation. Le nudisme était alors une simple composante du mouvement naturiste. Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement s’est reconstitué autour de la nudité collective. La Fédération Française de Naturisme a été créée en 1950, et la Fédération Internationale apparaît l’année suivante. Notons toutefois qu’avant 1926, quand le naturisme français revendique la pratique de la nudité collective, une certaine médecine naturiste (celle du Docteur Carton) fustigeait la nudité ! Mais on peut dire que les années 1920 représentent un tournant radical dans la pratique du naturisme.
Naturisme et nature
Francine Barthe est extrêmement prudente face à l’idée d’une représentation naturiste de la nature. Historiquement, le mouvement naturiste est à la confluence depuis la fin du 18e siècle de trois mouvements :
une approche holistique, l’homme appartenant à la nature, la séparation culture/nature n’étant pas acceptée, il faut donc à tout prix respecter l’environnement une approche mythifiée de la nature, fondée sur le jardin d’Eden ou la fontaine de Jouvence et enfin l’hygiénisme, la natura medicatrix, la nature bienveillante qui permet de se soigner, qu’on retrouve dans la Naturphilosophie germanique.
Cette dimension du naturisme a été largement développée dans le travail d’un historien, Arnaud Baubérot, qui a montré dans son Histoire du naturisme : le mythe du retour à la nature (Presses Universitaires de Rennes, 2004) comment la modernité urbaine et industrielle a été perçue, entre Belle Epoque et années 1930, et comment le rapport à la nature s’en est trouvé changé.
Les espaces privilégiés du naturisme
Emmanuel Jaurand rappelle que dans l’Allemagne du début du 20e siècle, il existait de nombreux terrains naturistes autour de Berlin, derrière des forêts ou des palissades. Aujourd’hui, on trouve les centres de vacances plutôt dans des régions d’occupation ou de densité faibles à moyennes (France du sud-ouest, côtes allemandes et du sud-est espagnol…), et aussi dans des aires périurbaines pour la fréquentation de week-end. Mer, forêt, espaces ruraux ou naturels protégés jouent le rôle de rideau autour de ces centres également entourés de clôtures. De fait, les espaces privilégiés du nudisme sont les littoraux mis en tourisme tardivement, comme l’Aquitaine, le Languedoc Roussillon ou la plaine de Corse orientale, beaucoup plus que la Côte d’Azur. Il est important d’être caché, loin des regards, ce qui explique qu’au début du mouvement, les îles ont joué un si grand rôle. Les frères Durville ont ainsi créé Physiopolis en 1928 sur une petite île sur la Seine (île du Platais), qui connut un grand succès, particulièrement le week-end. La première cité naturiste bâtie en dur, le fut sur l’île du Levant, qui avait une fort sinistre réputation dans la mesure où elle fut un bagne pour enfants durant le Second Empire. A l’écart du monde, il fallut tout construire. Au fur et à mesure que le naturisme était de plus en plus accepté, les lieux naturistes se rapprochent des stations balnéaires » (Cap d’Agde, Port-Leucate).
Francine Barthe insiste sur le rapport à la loi, qui interdit la nudité dans l’espace public en France, non plus pour outrage public à la pudeur comme c’était le cas jusqu’en 1994, mais pour exhibition sexuelle. En Allemagne, il existe des lieux où la nudité est tolérée, mais enfreindre cette délimitation spatiale n’est puni que d’une simple contravention, comme si on avait garé sa voiture au mauvais endroit. Ce n’est pas du tout le même rapport entre les deux pays. Du reste, en France, l’Etat a pu encourager certaines opérations comme au Cap d’Agde dans le cadre de grandes opérations de mise en tourisme.La mission d’aménagement de la côte Aquitaine a encouragé l’ouverture d’Euronat et de La Jenny, des élus ont défendu le dossier, et l’Etat a pris en charge une offre naturiste, explique Emmanuel Jaurand, afin de capter des flux touristiques venant d’Europe du Nord et allant vers une Espagne franquiste qui refusait le naturisme. Dans une logique très fonctionnaliste, des secteurs ont été réservés au naturisme. Encore aujourd’hui, la moitié des naturistes en France viennent de l’étranger. Le seul autre exemple où le naturisme a pu s’implanter avec l’aide de l’Etat fut la Yougoslavie de Tito qui a permis au Club Med de créer des espaces naturistes.
De nombreuses questions restent en suspens concernant l’orientation politique et l’acceptation du naturisme. Il est vrai que les premières municipalités à accepter le naturisme sur la Côte d’Azur étaient celles de Ramatuelle et de Hyères qui étaient socialistes, avant que Fréjus de François Léotard ne leur emboîte le pas. Plutôt qu’une distinction de couleur politique, constatons la différence entre la tolérance plus ou moins grande dans le Var et les arrêtés anti-naturisme des Alpes Maritimes. La distinction s’expliquerait plus par des questions de densités urbaines, d’âge des clientèles, de standing dans le tourisme. Emmanuel Jaurand précise qu’on assiste à des mouvements ascendants de territorialisation comme dirait Guy Di Méo, avec certains individus qui pratiquent un naturisme sauvage et s’approprient ainsi certains espaces isolés. C’est là un thème de recherche à creuser.
Le naturisme dans le monde
Il faut distinguer le naturisme méditerranéen qui est une pratique touristique surtout balnéaire et le naturisme germanique et scandinave qui a un fort ancrage culturel et qui n’est pas associé au tourisme. Pas de déterminisme climatique puisque l’ensoleillement n’est pas au plus haut dans les espaces germaniques et scandinaves et le vent peut être fort. La Méditerranée attire cependant beaucoup de naturistes venus du nord de l’Europe, des Allemands en ex-Yougoslavie, des Hollandais, Anglais et dans une moindre mesure des Allemands en France. Il semble qu’il y ait eu un fort effet chute du mur depuis 1989, avec une réorientation des flux allemands vers l’ex-Yougoslavie aux dépens de la France.
Comme le rappelle Emmanuel Jaurand, le naturisme germanique est très ancien et très ancré culturellement. La nudité est banalisée sur les plages, les parcs urbains, à la campagne. Dans la Constitution néerlandaise, il y a même un droit à la nudité quand elle ne choque pas autrui. Au Danemark, le nudisme est autorisé partout, y compris sur les plages de secteurs urbains, à l’exception de deux plages dans le pays ! L’Espagne assiste à un retournement complet depuis la suppression dans les années 1990 de l’arrêté franquiste interdisant le naturisme. Le vide juridique qui existe depuis a permis un développement généralisé du nudisme, dès qu’on s’éloigne des plages les plus fréquentées, et pas seulement par les touristes étrangers, mais aussi par des Espagnols.
Pour ce qui est de la Méditerranée, les rives nord du bassin sont un espace de projection des naturistes venus d’Europe du Nord, notamment en France et en Croatie. L’Italie et la Grèce ne sont pas très accueillantes aux naturistes, il n’existe qu’un seul centre naturiste, en Crète (là encore logique insulaire), mais le nudisme sauvage est banalisé. Au sud du bassin méditerranéen en revanche, le verrou religieux joue en plein. Depuis la décolonisation, les centres naturistes ont fermé en Algérie. Le tourisme international toutefois a mené à une pratique sauvage, notamment de la part de naturistes allemands se rendant en Turquie. Mais il s’agit de plages accessibles seulement après deux ou trois kilomètres à pied. Les guides touristiques allemands précisent qu’on risque une amende pour nudisme sauvage ; or si des amendes sont prévues, c’est que le nudisme sauvage est pratiqué. Il existe par ailleurs une association naturiste turque.
L’Amérique latine, avec ses pays de peuplement européen, est un espace où le naturisme est très développé, tout comme l’Afrique du Sud, même s’il est là-bas essentiellement le fait des populations blanches. Francine Barthe rappelle toutefois que le naturisme brésilien est un cas original : la place du corps quasi déshabillé (strings, maillots extrêmement minces) est omniprésente, mais il n’y a aucune pratique ni du nudisme sauvage, ni des seins nus. Le naturisme est cantonné dans quelques centres, peu nombreux et d’accès extrêmement réglementé.
A en croire le nombre de sites officiels naturistes par Etat, il semble que la Nouvelle-Zélande et l’Australie soient les pays les plus naturistes. Les pays d’Islam chiite et d’Afrique noire ne comptent pas de sites officiels, le naturisme étant alors cantonné dans les enclaves touristiques pour populations blanches. Il existe aussi une fédération de naturisme à Taïwan, comme si la nudité était là aussi, à l’image du streaking, un moyen de protestation.
Géographie d’un centre naturiste
Un centre naturiste n’est qu’un équipement d’hôtellerie de plein air. A l’origine, hormis quelques îles, les centres naturistes se limitaient à un camping sous tente. Puis ils se sont équipés et on retrouve dans la plupart des 103 centres naturistes français des commerces et la piscine au centre, les chalets, tentes et bungalows autour selon un modèle centre/périphérie. Ce qui distingue toutefois un centre naturiste d’un autre équipement touristique, c’est la très faible densité, avec des emplacements de tentes plus vastes que dans les campings ordinaires. On gare bien souvent la voiture à l’extérieur du centre et on marche beaucoup à pied. On fait aussi extrêmement attention au bruit, la salle de fête pour les soirées nocturnes étant bien à l’écart.
Au Cap d’Agde et à Port Leucate, on a affaire à des quartiers urbains, avec un seuil ou un petit sas qui permet d’y entrer. Le Cap d’Agde dispose d’un centre commercial fort banal, si ce n’est qu’il est permis d’y être nu. Il faut dire qu’à la différence des nudistes stricto sensu qui ne pratiquent la nudité qu’à la plage ou dans l’eau, les naturistes entendent être nus dans tous les actes de la vie quotidienne.
Genre et naturisme
Le genre renvoie aux rapports sociaux de sexe, pas du tout aux différences biologiques entre sexes. Dans les publications naturistes, dans les discours officiels, les rapports hommes/femmes sont très égalitaires, il n’y a aucune discrimination : tous nus, donc tous égaux. Dans la pratique, il est vrai qu’on voit au local vaisselle d’un camping naturiste plus d’hommes que de femmes, on voit à la douche les pères s’occuper de la toilette de leurs enfants, mais les femmes sont toujours celles qui s’occupent du linge. Les activités sportives, à l’exception de la pétanque qui est mixte, sont genrées : les femmes au yoga et à la gym aquatique, les hommes dans les sports collectifs, foot, hand et volley. Pour le reste, les centres naturistes organisent beaucoup d’activités collectives, comme de grands barbecues, où hommes et femmes, jeunes et anciens se mélangent dans une sociabilité extrêmement familiale. Toutefois, Francine Barthe ne pense pas que la nudité annule le genre pour autant ; des enquêtes quantitatives poussées permettraient d’y voir plus clair.
Sur les plages, la problématique est très différente rappelle Emmanuel Jaurand, dans la mesure où il s’agit d’un espace public ouvert. La ségrégation des publics est donc de mise. Sur les plages accolées aux centres naturistes, le sex ratio est équilibré 50/50. Ailleurs, sur les plages autorisées ou non, il y a beaucoup plus d’hommes (2/3) que de femmes (1/3), alors même que les historiens rangent souvent la plage du côté de l’espace féminin. Sur les plages nudistes, les femmes seules sont très peu nombreuses, sans doute pour des raisons de sécurité : elles viennent donc en couple ou en groupe. En revanche il y a beaucoup d’hommes ou seuls, ou en couples homosexuels, ou enfin en couples hétérosexuels. Spatialement, plus la plage est loin et difficile d’accès, plus le nudisme est sauvage et illégal, moins il y a de femmes.
Débat
Comme le souligne Christophe Terrier, nos deux intervenants ont tracé deux géographies : une géographie très culturelle, ancrée dans la religion ou l’origine, et une géographie de la diffusion spatiale d’une pratique qui s’acculture petit à petit hors de l’Europe du Nord et hors de l’Europe tout court. Il soulève alors deux questions : quelle place de la religion dans la diffusion ou la non diffusion du naturisme à une échelle plus fine, comme celle de l’Allemagne, coupée entre protestantisme et catholicisme ‘ Et la propreté remarquable des plages et campings naturistes vient-elle de la diffusion de la propreté légendaire des pays germaniques et scandinaves ‘
Emmanuel Jaurand rappelle que l’Allemagne est séparée par une grande ligne de partage entre protestants et catholiques. Mais la carte des centres naturistes, on n’observe pas de grande différence Nord/Sud, tout comme la nudité acceptée dans les parcs qu’on retrouve dans tout le pays, de Berlin à Munich la catholique. Il ne faudrait donc pas raisonner en terme de religion, mais plutôt en terme d’imprégnation de culture majoritairement protestante où, à en croire Jean Viard, l’absence de médiation cléricale entre Dieu et les hommes aurait fait de la nature l’image de la création, et cette représentation idéalisée de la nature aurait favorisé le développement de la culture naturiste.
Quant à la propreté, Francine Barthe confirme qu’elle est une caractéristique essentielle de la pratique naturiste. On ne peut pas être sale, ni se comporter n’importe comment dans un centre naturiste. Les postures sont extrêmement normées, et il ne viendrait à l’idée de personne de s’asseoir quelque part sans mettre sa serviette sous ses fesses. Ceci rappelle que l’hygiène fut très importante dès les débuts du naturisme, et il y a aussi l’idée de ne pas laisser de trace de son passage dans la nature, de retirer le moindre déchet. Francine Barthe avance aussi l’hypothèse que la nudité revient à partager une intimité qui implique de restaurer une autre distance entre soi et l’autre. Si le vêtement sert d’ornement, de communication et de protection, alors, quand on est nu, il n’y a plus cette protection, il n’y a plus de code vestimentaire, il n’y a plus d’ornement distinctif, tout est intime et il faut alors restaurer une distance, une politesse qui s’exprime autant dans la propreté que dans la distance interpersonnelle plus grande quand on se dit bonjour ou quand on se côtoie (voir les structures proxémiques de E.T. Hall). Cette plus grande distance par rapport aux plages textiles ou cette propreté, ou le silence respecté, constituent ces distances immatérielles qui restaurent une intimité.
Hélène Simon-Lorière s’interroge sur la place du bronzage, de la beauté du corps bruni au soleil tant vanté par la publicité. A-t-il favorisé le développement du naturisme ‘ Et les discours sur la prévention du cancer ont-ils changé la pratique naturiste ‘ Pour Francine Barthe, il ne faut pas confondre nudisme et naturisme. Le nudisme est balnéaire et repose finalement aux bains de soleil. Aux origines du naturisme en revanche, les bains de lune, les bains d’ombre, les bains de pluie étaient aussi recommandés ! Le bronzage ou l’absence de trace du maillot sur la peau n’étaient pas le but recherché. Certes on vit aujourd’hui dans une culture d’éloge du bronzage et du commerce du bronzage (solarium et crèmes bronzantes), mais les revues naturistes mettent en garde contre les dangers du soleil et sur la nécessité de se protéger.
Une étudiante se demande quelles sont les classes sociales les plus représentées dans les centres naturistes. Emmanuel Jaurand rappelle que la nudité partagée se fait dans un but d’égalité entre genres et entre classes. Il existe une égalité de fait et une grande simplicité dans les contacts humains. Les enquêtes sociologiques montrent toutefois une sous représentation des agriculteurs et des ouvriers et une surreprésentation des enseignants, professions médicales, paramédicales et commerçantes assez difficile à expliquer. D’autres recherches doivent être faites pour mieux comprendre le phénomène. La classe d’âge 15-30 ans est aussi sous représentée, à croire que le mouvement naturiste s’essouffle. Les babas cools des années 1968, fascinés par les sites naturistes extraordinaires de l’Ardèche par exemple ont vieilli et les rares jeunes qu’on croise dans les centres, sont enfants de naturistes. Francine Barthe rappelle que ces études datent des années 1980-1990, et préfère s’intéresser au mélange des générations et au refus d’un corps normé, correspondant aux canons de beauté actuels. Beaucoup d’handicapés, de personnes aux corps mutilés ou abîmés, n’ont pas honte de se montrer et ils ne sont pas du tout regardés comme des bêtes curieuses. Seuls les non naturistes s’imaginent qu’il faut être beaux pour venir dans un centre naturiste, alors que c’est complètement faux. Les naturistes se sentent au contraire infiniment moins complexés par le regard des autres.
Sur une anecdote de Maurice Trouvé concernant l’île du Levant, Emmanuel Jaurand conclut sur la vitrine du naturisme que constitue cette île, un espace où les non naturistes peuvent venir quitter leurs idées reçues sur ce mouvement, mais dans certains secteurs de l’île il faut porter un maillot. Belle conclusion sur ces espaces du naturisme, à la fois isolés et en lisière des espaces touristiques textiles.
Pour aller plus loin : Francine Barthe, Géographie de la nudité, être nu quelque part, Bréal 2003 Francine Barthe, « Aux parcs, citoyens ! », Café géographique de Paris, 1999 Francine Barthe et Claire Hancock (dir.), « Le genre. Constructions spatiales et culturelles », Géographie et cultures, n° 54, L’Harmattan, 2005. http://www.cafe-geo.net/article.php…. Avec notamment dans ce numéro l’article d’Emmanuel Jaurand, « Territoires de mauvais genre ‘ Les plages gays ». pp.71-84 Emmanuel Jaurand, « Naturisme », « Nudisme », « Tourisme sexuel », in : Dictionnaire de la pornographie (sous la direction de Philippe Di Folco), Paris, Presses Universitaires de France, 2005. Francine Barthe et Emmanuel Jaurand, « Dynamique insulaire et développement du naturisme », in : Les dynamiques contemporaines des îles-relais : de l’île-escale aux réseaux insulaires (sous la direction de N. Bernardie-Tahir et F. Taglioni), Paris, Karthala, 2005, pp.301-317
Compte rendu : Olivier Milhaud
Café animé par Julie Le Gall (Paris I), avec : Francine Barthe Deloizy (Université d’Amiens) Emmanuel Jaurand (Université Paris XII)
le naturisme prônait jusqu’au milieu du 20e siècle une médecine naturelle, l’hygiénisme, le sport, une vie sans tabac ni alcool, le corps sain de chacun devant permettre une régénération de toute la société, face à la révolution industrielle et l’urbanisation. Le nudisme était alors une simple composante du mouvement naturiste.
…si seulement c’en était resté là, le naturisme ne serait pas confondu avec n’importe quoi. Depuis les années 1960 le “bronzagisme” a fait ses ravages, et ces soi-disant naturistes qui ne le vivent que pour les vacances ne sont en fait que des nudistes. La fameuse définition des années 1970 (qui n’a d’importance que pour ceux qui l’on établie) a porté préjudice au sens originel, en ce que le nudisme est devenu central et non plus élément, pratique parmi d’autres – dommage, il faudrait sans doute revenir dessus en réincluant l’idée d’une hygiène de vie. Surtout, le tourisme s’est réapproprié ce mouvement en le dénaturant pas mal, à part un vernis de propreté-écolo de base (pas d’engagement hygiéniste ni politique, aucun règlement, rappels sur divers aspects de santé, de la détente)…
J’adore cette phrase: “Aux origines du naturisme en revanche, les bains de lune, les bains d’ombre, les bains de pluie étaient aussi recommandés !”
Francine Barthe rappelle très bien le sens originel de “naturisme”, qu’on ne peut changer, et qui n’est en aucun cas réductible à “nudisme” seulement, tout en l’incluant (ça n’est pas un “pilier” exclusif). Et il faut donc dire “plage nudiste” et non “plage naturiste”, puisque si on est naturiste, “la plage” en tant que telle n’est avant tout que nudiste – le naturisme, c’est les naturistes qui l’apportent… Tout en réhabilitant le “nudisme” avec les règles propres au naturisme, au lieu de falsifier ce terme bêtement, pensant critiquer les àpoilistes non naturistes. Voilà aussi ce qui différencie les uns des autres : “Il faut dire qu’à la différence des nudistes stricto sensu qui ne pratiquent la nudité qu’à la plage ou dans l’eau, les naturistes entendent être nus dans tous les actes de la vie quotidienne.”
Aussi, le naturisme se rattache-t-il dans son essence originelle au domaine Nord-européen:” Il faut distinguer le naturisme méditerranéen qui est une pratique touristique surtout balnéaire et le naturisme germanique et scandinave qui a un fort ancrage culturel et qui n’est pas associé au tourisme.”
le naturisme prônait jusqu’au milieu du 20e siècle une médecine naturelle, l’hygiénisme, le sport, une vie sans tabac ni alcool, le corps sain de chacun devant permettre une régénération de toute la société, face à la révolution industrielle et l’urbanisation. Le nudisme était alors une simple composante du mouvement naturiste.
…si seulement c’en était resté là, le naturisme ne serait pas confondu avec n’importe quoi.
Depuis les années 1960 le “bronzagisme” a fait ses ravages, et ces soi-disant naturistes qui ne le vivent que pour les vacances ne sont en fait que des nudistes.
La fameuse définition des années 1970 (qui n’a d’importance que pour ceux qui l’on établie) a porté préjudice au sens originel, en ce que le nudisme est devenu central et non plus élément, pratique parmi d’autres – dommage, il faudrait sans doute revenir dessus en réincluant l’idée d’une hygiène de vie. Surtout, le tourisme s’est réapproprié ce mouvement en le dénaturant pas mal, à part un vernis de propreté-écolo de base (pas d’engagement hygiéniste ni politique, aucun règlement, rappels sur divers aspects de santé, de la détente)…
J’adore cette phrase: “Aux origines du naturisme en revanche, les bains de lune, les bains d’ombre, les bains de pluie étaient aussi recommandés !”
Francine Barthe rappelle très bien le sens originel de “naturisme”, qu’on ne peut changer, et qui n’est en aucun cas réductible à “nudisme” seulement, tout en l’incluant (ça n’est pas un “pilier” exclusif). Et il faut donc dire “plage nudiste” et non “plage naturiste”, puisque si on est naturiste, “la plage” en tant que telle n’est avant tout que nudiste – le naturisme, c’est les naturistes qui l’apportent… Tout en réhabilitant le “nudisme” avec les règles propres au naturisme, au lieu de falsifier ce terme bêtement, pensant critiquer les àpoilistes non naturistes.
Voilà aussi ce qui différencie les uns des autres :
“Il faut dire qu’à la différence des nudistes stricto sensu qui ne pratiquent la nudité qu’à la plage ou dans l’eau, les naturistes entendent être nus dans tous les actes de la vie quotidienne.”
Aussi, le naturisme se rattache-t-il dans son essence originelle au domaine Nord-européen:”
Il faut distinguer le naturisme méditerranéen qui est une pratique touristique surtout balnéaire et le naturisme germanique et scandinave qui a un fort ancrage culturel et qui n’est pas associé au tourisme.”
Ce débat et cet article sont instructifs et passionnants.
Bravo aux auteurs Et vive “les bains de lune, les bains d’ombre, et les bains de pluie”
Zorg
Lyon