19 avril 2024

Ma révélation – récit d’une initiation sur l’île de la Réunion

Je pense que toute personne a droit au moins une fois dans sa vie à une révélation, une prise de conscience qui l’amène à se découvrir elle-même en profondeur, et à s’interroger sur sa vie, ses motivations, son évolution passée et future. Cette évolution a tout d’abord, pour principal objectif, l’épanouissement personnel. Ceci dit, on est souvent tenté de partager cette expérience avec d’autres, ne serait-ce que ne pas la vivre seul dans son coin… mais aussi, on l’espère, pour que ceux avec qui on fait ce partage puissent aussi en retirer quelque chose. Au cours de ma vie, j’ai eu droit à plusieurs de ces révélations, dont la dernière date d’hier. Ceci en est le récit.

J’avais tout simplement décidé de partir seul à la rivière que, ma compagne et moi, nous fréquentons comme lieu de baignade. J’avais l’intention de remonter cette rivière et de suivre son cours pour trouver d’autres lieux que celui auquel nous sommes habitués, des endroits tranquilles qui nous permettraient de nous baigner nus sans être (trop) dérangés. Au bout d’une heure d’explorations intensives, je dus me rendre à l’évidence… Peine perdue : non contente d’être la plus fréquentée de l’île de la Réunion, la rivière Langevin est aussi, malheureusement, la plus accessible de toutes. À part notre coin naturiste préféré et un peu à l’écart, il n’existe aucun endroit suffisamment éloigné de la route, des habitations et des lieux de passages.
Un peu déçu, et carrément mourant de chaleur, je décide de me baigner tout de même dans un endroit qui, je l’espère, est à peu près à l’abri des regards. Hors de question, pour moi, de garder un bout de tissu pour me baigner…
    Après un instant trop court pour avoir pu réellement savourer la fraicheur de l’eau, j’aperçois une silhouette qui se rapproche, cachée à l’ombre des arbres. J’ai juste le temps de remettre mon short, et voici que se rapprochent deux hommes aux crânes rasés, habillés dans ce qui me semble être, de loin, des uniformes bleus. J’ai traversé la rivière, s’ils veulent venir jusqu’à moi, ils devront donc faire de même. Mais le premier hésite, il faut sauter de rochers glissants en rochers glissants et c’est carrément dangereux ; si moi-même je l’ai fait, c’est parce que j’ai l’habitude de ce genre de terrain et qu’il m’en faut plus pour me barrer la route (et aussi parce que je suis un peu téméraire et inconscient, je l’avoue). Ils finissent donc par renoncer et par repartir tous les deux, l’air vaguement dépités. J’ai rarement été aussi soulagé de ma vie : je ne saurai jamais s’ils étaient là pour me verbaliser comme je l’ai cru au début, ou tout simplement pour vérifier que je n’étais pas en train de pêcher sans permis, comme je me le suis dit par la suite : j’avais mon matériel photo dans un sac bandoulière, qui aurait facilement pu être pris pour du matériel de pêche.

Un peu stressé par cette expérience, je décide de retourner me rafraichir quelques minutes à notre coin favori pour me remettre de mes émotions, et je me dis que j’irai ensuite explorer le lit d’une autre rivière que je sais très peu fréquentée.

Rien de spectaculaire à signaler pour cette baignade-ci… Juste les passages d’un rasta, et, un peu plus tard, d’un touriste, qui n’ont aucun comportement suspect et que je remercie intérieurement pour leur discrétion. Mais un quart d’heure plus tard arrive un troisième, qui, lui, a tout du parfait voyeur. Je remballe donc mes affaires et je fuis. Petit exemple d’un moment classique de ce que ma compagne et moi vivons régulièrement à la Réunion, dans le stress permanent d’un bonheur jamais entier…

Donc, direction l’autre rivière, qui se nomme à juste titre “Rivière des Remparts”. De chaque côté se dressent des falaises vertigineuses qui forment un défilé majestueux jusqu’à un minucule hameau égaré, habité par quelques personnes courageuses qui n’ont pas peur de l’isolement et des gigantesques éboulis.

En réalité, cette rivière ne coule quasiment jamais lorsqu’il ne pleut pas, et son lit n’est qu’un amas de gros rochers polis, de sable et de poussière. Il est parcouru par une piste qui sert à l’extraction de matériaux pour la construction, sur laquelle les immenses engins d’exploitation et quelques téméraires conducteurs de voitures tout-terrains sont les seuls à oser se risquer. Il est d’ailleurs bien spécifié à l’entrée de cette piste, sur panneau 4×3, qu’il est formellement déconseillé d’y accéder… Qu’à cela ne tienne, ai-je déjà mentionné mon inconscience et mon esprit d’aventure ? Petite digression au passage : je tiens à féliciter et remercier chaleureusement les ingénieurs de chez Toyota, pour avoir concu cette petite merveille de solidité, de robustesse et de fiabilité qu’est la Yaris, voiture que je possède. On ne dirait pas comme ça, mais cette voiture est quasiment un petit 4×4, avec un bas de caisse plutôt élevé. Heureusement pour moi d’ailleurs, car j’ai failli me retrouver coincé et ensablé plusieurs fois…

Mais, la sagesse finit par me revenir, et je laisse donc la voiture de côté pour continuer à pied. Bien m’en a pris, cela me permet de découvrir trois petites cascades un peu cachées, juste à côté de l’endroit où je me suis garé. Ces chutes d’eau sortent littéralement de la falaise, ce sont des résurgences et l’eau est extrêmement propre. Je n’hésite pas à enlever tous mes vêtements pour y prendre une douche, car il est assez tard et je n’ai croisé personne depuis longtemps, les employés de l’exploitation minière ayant terminé leur journée.

Après ça, j’ai envie d’aller jusqu’à une petite combe pleine de verdure et de cascades que j’aperçois à quelques kilomètres. Et là, j’ose : je ne me rhabille pas et je laisse mes vêtements dans mon sac. Je commence à marcher, complètement nu, au milieu d’un paysage absolument grandiose ; je commence à me détendre et…
Zut, un phare qui se rapproche. Je renfile mon short avec précipitation, et arrive un vieux créole à moto, avec lequel je discute quelques minutes. Il me dit qu’il travaille plus loin, justement à l’endroit où je veux parvenir. Puis il s’en va… Mais, échaudé par cette expérience (ou plutôt refroidi devrais-je dire), je n’ose pas me remettre nu. Bonne idée, car un peu plus loin se trouve un 4×4 garé, bien que je n’aperçoive personne alentours.

    Je continue, habillé, jusqu’à la combe à laquelle je parviens en une demi-heure. L’endroit est caché et délimité par une grande haie de bambous très verts. En fait, ce lieu s’avère être une soi-disant propriété privée, dûment estampillée d’un panneau, et dont l’entrée est marquée d’un grand portail en fer forgé, fermé par un gros cadenas. Il me suffit juste de le contourner, car à part ce portail, il n’y a strictement rien pour interdire l’accès ! Après avoir traversé le rideau de bambous, je me retrouve dans une cour avec quelques petits bâtiments complètement délabrés : à l’évidence personne n’habite ici, mises à part quelques poules. Par contre on y cultive du cresson et des chouchous, en mettant à profit l’abondance d’eau dans cet endroit. C’est probablement le vieil homme que j’ai croisé qui s’en occupe…

Comme il n’y a personne, j’en profite pour me remettre nu. Puis, troisième mauvaise idée de la journée : je décide de tenter l’ascension jusqu’aux aux cascades qui se trouvent bien plus haut, au-dessus de l’étendue de chouchous. Ce sont des plantes traîtres, dont les tiges s’accrochent les unes au autres par des vrilles, et qui forment un fouillis quasiment inextricable, à hauteur de hanches.

De plus, elles sont ponctuées de toiles d’araignées avec leurs immenses occupantes, ainsi que de buissons de “vigne marron” et de “camaras”, plantes très épineuses. Pour parachever le tout, elles cachent la nature du terrain qui se révèle être un éboulis de rochers. Malgré mon opiniâtreté, je n’ai aucun autre choix que de renoncer… non sans avoir tout de même profité un peu de l’eau fraîche qui coule dans des sortes de petites canalisations. Malgré tout, j’ai senti passer la végétation et les épines sur mon corps nu (heureusement que ces araignées ne sont pas dangereuses)… Qui a dit que les vêtements sont inutiles ?

Je me dis qu’il est temps de repartir, et mise à part ma déception de ne pas avoir pu accéder à ces si jolies cascades, je suis heureux d’avoir découvert cet endroit. L’eau fraîche a fini par calmer la brûlure des griffures sur mes jambes, et je me sens merveilleusement bien d’être nu, sans avoir ni trop chaud ni trop froid…

Je prends donc le chemin du retour, sans me rhabiller. Et c’est là que, peu à peu, la Révélation arrive…

Je me sens libre, je savoure cette sensation de pureté absolue que celle d’être nu dans un paysage aussi désert, magnifique et grandiose que celui dans lequel j’évolue. Je m’offre réellement à la Nature, je ne fais plus qu’un avec Elle. Je m’expose totalement et sans réserve aux éléments, sans angoisse ni arrière-pensée. J’ai l’impression de me retrouver et je comprends que je suis enfin moi-même, comme si les vêtements, non contents de me cacher aux autres, me cachaient aussi à moi-même. Le panorama offre une ambiance zen, et mon esprit se met à l’unisson… Extraordinaire sensation que celle d’être absolument seul dans un endroit aussi immense. Je n’ai plus peur d’être dérangé ; il n’y a en moi aucune trace de stress, auquel je suis habitué lorsque je me baigne à la rivière. Peu à peu, le sentiment conscient d’être nu me quitte, il me reste juste le bien-être et la liberté absolue. Enfin ! ! ! Je suis nu et libre. Je crois que les moments où je me suis senti aussi bien, dans toute ma vie, sont bien peu nombreux. Et ceci, que ce soit physiquement ou mentalement…

    Je comprends aussi que jusqu’à maintenant, je n’avais été qu’un nudiste, même si je respectais et aimais la nature bien plus que la moyenne. Je crois que je peux dire que depuis hier, je suis naturiste, car j’ai vécu l’expérience de ne faire qu’un avec elle. Ça a été un moment fort, inoubliable. Il me manque tout de même l’expérience de la nudité en commun…

Petite anecdote pour conclure : alors que j’étais presque arrivé à ma voiture (et après une seconde baignade aux petites cascades), j’ai croisé un homme assez âgé qui, semble-t-il, courait et s’entraînait pour la Diagonale des Fous. J’étais toujours nu, et après une demi-seconde d’appréhension, j’ai décidé d’assumer, et de ne pas me rhabiller. En le croisant, je lui ai dit “excusez-moi, je ne pensais vraiment pas croiser quelqu’un ici à une heure pareille” (c’était la fin de l’après-midi). Je n’ai pas compris l’intégralité de sa réponse, si ce n’est qu’il “n’était pas choqué”, et il m’a avoué (mais à demi-mot seulement) qu’il lui arrivait aussi de se mettre nu en randonnée…

PS : Je tiens à m’excuser pour la piètre qualité artistique des deux dernières photos, mais la lumière n’était pas terrible, et pour une fois j’étais plus accaparé par mes sensations que par l’envie de faire de belles photos, ce qui fait que je n’ai pas eu beaucoup d’inspiration. Les trois premières n’ont pas été prises hier, mais elles sont aussi de moi et je les ai mises pour illustrer le récit (les araignées que j’ai rencontrées sont les mêmes que sur la photo).

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gilles
Administrateur
20 février 2007 14h52

Superbe récit, tu as ressenti ce que toute personne pratiquant la randonue ressent. C’est le top d’etre nu dans la nature sauvage.
Sans vouloir polémiquer, le naturisme c’est plutot vivre nu en communauté ou groupe, mais tu es passé de simple nuditste de plage ou piscine et adepte du bronzage intégral, à une approche du naturisme en milieu naturel sauvage qui s’appelle la randonue.

amidephebus
20 février 2007 21h53

Bonsoir,
La qualité de ton récit estompe tes photos. Ceci dit tu nous fait bien envie.
Loïc

Kitouni
21 février 2007 13h49

Oui, vraiment un beau témoignage.Très bien écrit. Les paysages grandioses de la Réunion se prêtent bien à ce type de sensation. Dommage que le naturisme n’y soit pas plus facile.

jfreeman
21 février 2007 17h08

Pour notre prochain voyage à La Réunion, nous comptons sur toi pour nous servir de guide 🙂
https://www.vivrenu.com/ (ancien lien vivrenu article.php ?sid=641
D’autre part, nous sommes plusieurs à vouloir développer le “naturisme en liberté” à La Réunion.
http://fr.groups.yahoo.com/group/rando-nue

Bien naturellement,

Jacques du 91 (Essonne)
jacques.freeman.fr

Richard
22 février 2007 6h27

Savoureux récit, tu devrais contacter “la vie au soleil” pour relater ce récit ‘revue naturiste). Tu as trouvé les mots justes pour exprimer la valeur de se promener nu en toute liberté. Comme tu dis c’est plus que de la nudité c’est du naturisme mais si tu étais seul.
Amitiés nat
Richard

hervep
26 février 2007 10h51

bonjour
c’est un tres beau recit mais il est dommage que sur l’ile de la reunion,le naturisme ne soit pas autorisé.
hervé

jacques69
28 avril 2007 17h26

Ce n’est pas tout à fait que le naturisme ne soit pas autorisé sur l’île de la Réunion, pas plus qu’il n’est “interdit” dans aucun autre département français – c’est tout simplement qu’il n’y a aucun lieu pour le pratiquer, aucun club, aucun centre, et aucune plage depuis la fermeture au naturisme de la plage de Souris-Chaude (en fait, étymologiquement, “chauve-souris”, pas de panique !).
Cette plage était, de toute façon, un lieu de rendez-vous de toutes sortes et se prêtait mal au naturisme familial – c’est bien sûr le prétexte qu’a utilisé le maire des Avirons, la commune sur le territoire de laquelle se trouvait la plage, même si des bruits circulent sur une opération immobilière prévue dans le secteur.
Cela dit, cela fait mal au coeur de voir un territoire d’une telle beauté, un climat qui se prête si bien à la vie nue et naturelle, n’offrir aucune possibilité aux naturistes. La Réunion a du mal à attirer les touristes malgré ses paysages grandioses et a beaucoup souffert de la crainte du “chick” – une réelle possibilité naturiste serait sans doute un argument supplémentaire pour achever de décider certains indécis !

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