13 décembre 2024

La vérité toute nue du Levant

L’île du Levant, au large des côtes varoises, est un refuge. La philosophie originelle du site définit le naturisme comme un élément essentiel au repos du corps, qui dépayse et séduit les nouveaux venus. Si la cohabitation avec les gens vêtus est amicale, la concurrence est rude et l’économie en pâtit. L’île envisage donc de changer ses habitudes, au risque de perdre ses charmes.

Par Benoist SIMMAT, envoyé spécial à Hyères  – Le Journal du Dimanche
L’île du Levant, un refuge naturiste, pour combien de temps encore ? (Eric DESSONS/JDD). Le bateau n’a pas quitté l’embarcadère de deux encablures pour repartir que… hop! les maillots tombent, les pagnes s’envolent. Un sein apparaît, puis une fesse, puis tout le reste. Sur le ponton d’accueil de l’île du Levant, un petit groupe de naturistes brandit ses « textiles » au-dessus de la tête afin de saluer à sa manière la navette qui repart vers Hyères (Var). « Ça ? Ben ça s’appelle L’Adieu au Levant », lance une adepte, appuyant l’importance de cette tradition locale consistant à quitter la civilisation des vêtements. Pour quelques semaines de vacances au moins.

Bienvenue chez les « culs-nus », comme ils se nomment eux-mêmes. L’île du Levant est un petit royaume du naturisme mondial depuis… 1932. Mais attention: rien à voir avec les camps de nudistes de la côte. Ici, les « textiles », autrement dit les « culs-blancs », sont acceptés depuis toujours; même si la pratique du nudisme est chaudement « recommandée ». « Ce n’est pas un ghetto », précise Sandrine Besson, 44 ans, une belle quadra ayant quitté une carrière parisienne pour vivre ici en pratiquante convaincue: brushing, maquillage, mais habillé d’un simple collier de coquillages, plus un sac à main.

« Cruchot » au boulot

Et aussi, parfois, un pagne. C’est l’originalité: les naturistes doivent en certaines circonstances se couvrir. Car le site, dès l’origine, possède des zones naturistes, « textiles » ou mixtes. Un vrai casse-tête. Sur la célèbre plage des Grottes, être « à poil » est obligatoire, comme le définit un très sérieux arrêté municipal de la ville de Hyères (dont dépend administrativement l’île). Mais tout naturiste qui en revient passe par le « port » (le petit débarcadère), zone administrée par le Conseil général, où être nu est théoriquement un acte d’exhibitionnisme. Vingt mètres plus loin, la longue « montée de l’Ayguade » est, elle, mixte: culs-nus et culs-blancs peuvent cohabiter, avant d’arriver sur la placette du petit hameau, zone où le naturisme redevient interdit… et le string (au minimum) obligatoire.

Autant dire que le « Cruchot » local (par référence au célèbre Gendarme de Saint-Tropez) a du boulot: Dominique Poey, 48 ans, seul et unique policier municipal de l’île, rhabille et déshabille les visiteurs depuis 22 ans. « Je n’ai jamais eu à verbaliser, c’est plutôt du rappel à l’ordre quotidien », précise le fonctionnaire. Lui-même est naturiste, mais pas pendant le service! Son sacerdoce énerve un peu les « puristes ». Comme la figure locale: Berty Vaillant, habillé l’été d’une gitane maïs et d’une paire de Ray-Ban, l’hiver d’un pull et de chaussettes (« mais sans slip ! »). Cet ancien pharmacien parisien a tout quitté pour ouvrir le « Bazar » de l’île, où il officie en costume de Cro-Magnon. En contradiction avec le sempiternel arrêté municipal interdisant aux commerçants de servir leur clientèle en tenue d’Adam. « Mais 99% des touristes qui viennent ici paient pour être à poil, alors soyons à poil », explique le rebelle.

Le débat est sans fin. Ce dimanche, les 220 propriétaires du site – qui est entièrement privé, le reste de l’île étant une zone militaire interdite – devaient justement tenir leur assemblée générale pour discuter d’une éventuelle ouverture des rues du hameau aux culs-nus. Un épiphénomène sur une île où l’essentiel, pour une immense majorité des habitants, est de préserver « l’esprit » du naturisme: « Etre nu, c’est un fil conducteur, ce qui compte c’est le respect, la tolérance », énonce doctement Michel Poulet, vêtu uniquement de baskets noires, auprès de son épouse Framboise, tous deux fraîchement retraités de l’Education nationale.

Banalisation des seins nus

Tolérance envers les « textiles », certes, mais surtout respect de la nature, du silence, du paysage. Dans l’esprit des deux médecins fondateurs de Héliopolis (« la cité du soleil », nom officiel du site), s’exposer nu était une manière de se régénérer au contact des trois éléments: « Sentir l’eau sur son corps, toucher les plantes, chauffer au soleil…, c’est cela notre naturisme », résume Suzanne Zeiler, 81 ans. Cette doyenne de l’île est arrivée dans les années 1950, « où il n’était pas facile pour une femme de se mettre nue », rappelle-t-elle.

Ce rapport un peu particulier à soi est la principale découverte des nouveaux initiés au Levant. « Quand on marche nue, on doit faire attention à soi, on est face à soi-même, on se retrouve, et on accepte mieux les autres », explique Catherine, touriste belge nouvellement convertie. Ici, beaucoup d’interdits étonnent: pas d’éclairage public la nuit, pas de cigarettes dans les rues, pas de musique forte le soir, etc. Le corps ne doit pas simplement se régénérer, il doit s’apaiser. « Tous mes clients me demandent ce qu’il y a à faire ici, mais ce que nous vendons, c’est justement ne rien faire », rigole Frets Verhees, un hôtelier hollandais ayant connu l’île à 5 ans, et qui jure que « si vous restez une semaine ici, vous finirez par vous mettre à poil ». Sa femme, d’origine Corse, a tout de même mis trois mois.

En question, toutefois, l’avenir d’un site dont l’économie n’est plus aussi flamboyante qu’auparavant: banalisation des seins nus, concurrence des camps nudistes, des destinations lointaines… L’île ne fait plus le plein l’été. « Peut-être n’est-il plus possible de ne travailler qu’avec les naturistes », interroge Lucie Harnisch, hôtelière, par ailleurs maire-adjointe. « Le naturisme reste la locomotive de l’île », estime Jacques Ollive, président du Syndicat des propriétaires. « Les naturistes ont vieilli, moins de jeunes viennent », renchérit Sandrine, qui loue sa charmante bicoque avec vue imprenable sur l’île voisine de Port-Cros. Pointant la vie chère d’une île où tous les coûts sont démultipliés: transport, repas, etc. Mais à trop reculer sur le naturisme, les Levantins ne risquent-ils pas de perdre leur âme ? Sans culs-nus, les arbousiers resteront-ils aussi beaux sur le versant ouest du Levant ?

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jfreeman
29 juillet 2007 17h11

J’ai découvert ce « petit paradis » il y a 30 ans.
Je me souviens de ce prêtre qui officiait en soutane
et retrouvait ses brebis parquées sur la petite plage…

C’est là que j’ai découvert la randonue avec mon ex-épouse
Au milieu des argousiers et des romarins.
Et puis après, évidement, est né en moi
cette délicieuse addiction… Au naturisme en liberté 🙂

Avec quelques amis du groupe de randonue de l’Essonne
nous y serons, le 9 et 10 septembre, à l’invitation de J-L VIALE,
Président de l’association des commerçants de l’île.

L’occasion de redécouvrir l’un des plus célèbres berceaux du naturisme mondial.

Bien naturellement,

Jacques du 91 (Essonne)
jacques.freeman.fr

hervep
30 juillet 2007 16h17

cette ile est magnifique,je n’y suis allé qu’une seule fois mais j’en ai gardé de merveilleux souvenirs
hervé

NakedBaloo
31 juillet 2007 9h53

Nous avons déjà passé 3 vacances sur l’île et avons chaque fois savourés le plaisir de vivre une belle
semaine sans aucun vêtement.

Ayant moi-même un naturist à 200% et loin au-delà, j’aurai aimé que le nu soit tolléré partout dans Héliopolis,
donc même dans le port et la ‘grande’ place. Le dernière fois que nous y sommes allés, j’ai étét frappé pour le nombre
de gens qui portaient des vêtements (90% des gens rencontrées lors de mes randonnues). Où étaient-ils, les naturistes ?
Je commencais à me sentir comme un cas unique sans vêtement….!

J’en discutais avec Berty Vaillant du Bazar qui remarquait la même tendence. Je ne lui donne pas tort de servir ces clients en tenu Adam.
Je ferai la même chose ! Il le fait pour promouvoir de vivre nue. Mes randonnues nus (je refusait de prendre un cm² de textile avec)
commencaient aussi à être une action pour promouvoir le naturisme et de laisser les vêtements dans les valises.

Michel

fredrainaud
4 août 2007 12h15

Salut à tous,
Oui, c’est magnifique
Ce qui l’est moins, c’est le sombre avenir du naturisme sur cette ile….
Il va falloir que les propriétaires fassent un choix crutial, soit l’argent et la fin du naturisme où alors conserver l’esprit naturisme et se contenter de revenus qui baissent
J’espère qu’ils ne choisiront pas la première option sinon, ça serait vraiment un tournant dans l’histoire du naturisme où les berceau mêmes du mouvement renonce à se philosophie pour une question de rentabilité…

Entende qui a des oreilles !

Fred

Levantine
27 août 2007 14h00

nous avons découvert cette île paradisiaque il y a qques années, à bord d’un voilier; depuis l’île en elle même est toujours aussi charmante, ce qui l’est moins sont quelques commerçants et propriétaires qui en souhaitant attirer l’argent des estivants textiles de st Trop’, en arrivent même à refuser les seins nu sur leur terrasse de restaurant ! Tant que l’association des propriétaires ira dans le sens imposé par certains (suivez mon regard), les naturistes viendront moins et les textiles viendront juste passer la journée, se rincer l’oeil en dégustant un poisson frais, sans même faire l’effort de monter au village !
si vous voulez mon avis, il faut une politique touristique claire, avec le choix de l’île 100 % naturiste ou 100 % textile.
Si c’est la première option choisie, ce que nous espérons, alors il suffit de qques actions de promotion du Levant, bien ciblées, pour booster la fréquentation; mais là, on entre dans le domaine de la volonté politique locale… par exemple, pourquoi la promotion du Levant n’est elle pas la même que celle des deux autres îles, Port Cros et Porquerolles ??? d’après vous ?!

Wilhelm Kruz
9 novembre 2007 20h34

Je suis totalement d’accord avec Levantine sur la promotion de l’île en tant que lieu à 100% naturiste (99% si l’on exclue la zone de l’embarcadère où il passe des passagers non natusites qui vont à Port-Cros !).
Mais un mystère me trotte dans la tête. Je n’ai jamais compris pourquoi il faut se « rhabiller » (avec un « minimum ») pour parcourir la rue princiale et traverser la place du village. Ca gène qui ? Les résidents et les vacanciers se côtoient sur toute l’île; pourquoi dans certains lieux deviennent-ils pudibonds ? Ce n’est peut-être pas pour cette raison, mais alors, qu’on me la donne; j’aimerais bien comprendre….
Mis à part ce reproche, l’île n’en reste pas moins un petit paradis encore naturel où il fait bon vivre mais où le farniente est l’activité principale après en avoir fait plusiuers fois le tour à pieds. Le manque d’activités explique sans doute que l’île soit très peu fréquentée par les jeunes. Losque l’on aspire au calme, à la tranquillité et au repos, il n’y a pas mieux !

polyglotte
25 juin 2008 23h15

J’ai eu l’occasion d’y faire une brève escale en 2005, avant d’aller à Port-Cros. Ce ne fut pas assez long our profiter pleinement de l’atmosphère des lieux et de la vie naturiste avec un grand N…

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