Des femmes et des hommes pratiquant depuis longtemps le naturisme des clubs et des centres, mais aussi le « naturisme sauvage », se sont retrouvés réunis, à partir du début des années 2000, sur des forums de discussion évoquant la randonue. En particulier, le fameux forum yahoo rando-nue.
Véritables laboratoires de réflexion pour une pratique décomplexée du naturisme, ces forums leur ont permis de dépasser les craintes qu’ils avaient de dire et de vivre leur propre naturisme même en dehors des espaces fermés. Une saine émulation s’est alors réalisée.
Chacun a partagé son expérience (par exemple sur l’attitude à avoir en cas de rencontres inopinées avec des textiles ou avec des forces de l’ordre). Après des milliers de randonnées naturistes à travers la France, force a été de constater le peu de réactions hostiles rencontrées.
Seule réserve : la pratique en solitaire, qui risque parfois d’être mal interprétée. Car s’il n’existe pas véritablement d’hostilité sociale à l’égard de la nudité en public, le pouvoir juridique et policier continue encore trop souvent à interpréter l’article 222-32 du Code pénal français (« L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 EUR d’amende ») avec la plus grande étroitesse d’esprit, confondant ainsi la simple nudité, symbole de pureté, avec un supposé délit de nature sexuelle.
Dans ce contexte, nos « nudiens » (néologisme en rapport avec les indiens enfermés dans des réserves) pouvaient, bien sûr, rester discrets et bien égoïstement continuer à pratiquer leur agréable et épanouissante activité en cachette.
Malheureusement, quelques interpellations arbitraires de naturistes solitaires les ont poussés à se regrouper en association. L’APNEL (Association pour la Promotion du Naturisme En Liberté) est ainsi née ; elle compte aujourd’hui près de 120 adhérents. Son but est d’une part de mutualiser le risque (« solidarinue ») et d’autre part de faire évoluer les esprits. Chez nos amis « emmaillotés », bien sûr, mais aussi chez quelques uns de nos coreligionnaires naturistes, comblant leur méconnaissance du sujet par quelques préjugés simplistes.
En randonue dans l’Essonne en compagnie de deux journalistes de Radio France International (RFI) et du Parisien, 27 juillet 2008.
Création de l’APNEL
Nos statuts ont été déposés très officiellement en mars 2007. Un bureau provisoire a géré l’association pendant quelques mois. En janvier 2008, l’assemblée générale a élu les membres de son conseil d’administration qui ont eux-mêmes élu leur présidente : notre amie Sylvie Fasol. Petite parenthèse : avouons qu’il faut être bien courageux, généreux, humain et réfléchi pour se lancer dans ce type de « militantisme ».
Les candidats ne sont pas légion et méritent, je vous l’assure, le respect. Et c’est encore plus vrai pour ceux qui s’exposent devant les médias. Vous vous en doutez, ce n’est pas forcément très agréable d’être « exhibés » devant des millions de téléspectateurs pas toujours bienveillants et parfois même sottement grivois.
Naturisme et société
La nudophobie est une totale aberration. Tout être sain et ouvert en convient facilement. Démythifier le nu et le rendre aussi naturel que l’air et l’eau est un véritable enjeu pour nos sociétés dites démocratiques. Il arrive à un moment important de faillite de tous les modèles économiques et politiques mondiaux. Nos systèmes de valeurs sont devenus totalement irrationnels, totalement immoraux. On veut nous faire croire que « plus on a, plus on est ». La réalité est tout autre : plus on produit, plus on consomme et plus on gaspille… Plus on s’isole, plus on pollue et plus on s’entre-tue.
Le bonheur, cela ne se chiffre pas en nombre d’objets inutiles accumulés à travers une vie de consommation effrénée, dictée par une propagande commerciale omniprésente (publicité). C’est avant tout l’harmonie avec le milieu naturel. C’est aussi l’amitié, l’amour, la sensibilité, la disponibilité, la joie, la solidarité que l’on retrouve si bien dans notre pratique du naturisme en liberté.
La nudité partagée, même avec ceux que l’on croise (et qui n’osent pas encore), c’est une offrande, un dialogue, un geste joyeux de convivialité, de fragilité et de paix. Notre pratique du naturisme en liberté est évidement très attentive au ressenti de la personne que l’on rencontre.
Nous n’avons que quelques secondes pour transformer la stupéfaction en merveilleux souvenir qui fera date dans la vie de notre ami de passage.
Ne jamais paraître arrogant, menaçant, dialoguer en douceur et avec le sourire…
Bref, être naturiste, tout simplement. Aussi, afin de mettre le pied de nos nouveaux adeptes à l’étrier, nous avons à coeur d’organiser des « baptêmes de randonue ».
C’est toujours un grand moment initiatique de bonheur et de libération. Pour les aider, nous avons également parodié une collection bien connue avec comme titre : « le naturisme en liberté pour les nuls ».
Ce petit guide, facilitant le grand saut, est d’ailleurs consultable sur le site APNEL :
Spencer Tunick à Amsterdam, 4 juin 2007
Pour conclure
Chers amis naturistes, permettez-nous de vous proposer cette toute petite retouche à la belle définition du naturisme :
« Le naturisme est une manière de vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par une pratique libre, solidaire et enjouée de la nudité en commun qui a pour but de favoriser le respect de soi, le respect de l’autre et celui de l’environnement ».
Le naturisme se dévoie lorsqu’il adopte des comportements autistes et réactionnaires. L’ostracisme n’est pas sa nature. Il ne peut pas livrer en pâture ses éléments les plus purs, les plus sûrs, sans risquer d’y perdre son âme. Il est regrettable que certains d’entre nous condamnent, d’une façon aussi lapidaire, ces manifestations artistiques, ludiques et fraternelles relayées par les médias. A croire qu’ils n’ont jamais été jeunes, insouciants et plein de vie.
Car, au-delà du naturisme en liberté, il faut bien parler aujourd’hui de la nudité comme facteur d’expression et de comportement sociale intelligent et intelligible.
On a bien envie de dire à nos détracteurs : Arrêtez de jouer les Cassandre, arrêtez d’avoir peur ! Faites au moins une fois l’expérience de la nudité urbaine avec Spencer Tunick comme photographe.
Faites au moins une fois de la bicyclette nu en plein centre de Londres, de Madrid ou d’ailleurs. Imaginez une manifestation de chômeurs utilisant la nudité pour exprimer leur plus total dénuement.
Je finirai en remerciant, une fois encore, Paul et la nouvelle équipe de la FFN qui a bien voulu nous rencontrer, nous recevoir et nous entendre lors du 51e Congrès.
Nous comprenons les craintes exprimées car, nous le savons bien, il va falloir faire avec le côté très irrationnel de nos sociétés humaines.
Mais ce n’est pas pour autant une « mission impossible », croyez-nous !
Jacques FREEMAN
Vice-président de l’APNEL
Initialement publié dans « Naturisme naturellement nu », revue de la FFN, n°3 (octobre 2008)
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