11 octobre 2024

Un paradis de perdu, dix de retrouvés

Chassés des montagnes appenzelloises, les randonneurs en tenue d’Adam ont d’autres bonnes adresses à s’échanger. Tour d’horizon des paysages à vivre peau à peau. Prenez la pluie: «Les textiles se sauvent à la première goutte. Pour nous, c’est une caresse.» Les «textiles», c’est donc vous et moi: les habillés, les autres. Ainsi va le monde vu avec l’oeil du naturiste.

Lorsqu’il part en balade, ce dernier devient «randonnueur». On le retrouve parfois en photo dans le journal (de dos), comme lundi, après qu’Appenzell Rhodes-Intérieures eut entériné l’interdiction de se promener en tenue d’Adam. Et on se demande ce qu’il peut bien avoir dans la tête, ce marcheur nu, avec ses fesses à l’air, ses chaussettes et son sac à dos.
Rien de bien compliqué, répond Jacques Freeman, vice-président de l’Apnel, une jeune association française qui promeut «le naturisme en liberté»: «Quand on aime vraiment la nature, on n’a pas envie de rester confiné dans un enclos.» Entendez: un centre naturiste. Sans compter que le séjour y coûte «très cher».

Comme nombre de ceux qui aiment vivre nus, Jacques Freeman a donc longtemps pratiqué le «naturisme sauvage» en famille. Puis, en 2000, il a participé, grâce à Internet, à l’éclosion d’une myriade de groupes qui échangent des informations et se retrouvent pour des dimanches nus entre amis nus. Le phénomène «randonnue» était né, largement documenté sur la toile. Où l’on voit vite que, si les fans d’Adam et Eve ont été chassés du massif suisse de l’Alpstein, mère nature a encore quelques paradis à leur offrir.

Tenez, voyez ci-contre https://www.vivrenu.com/2007/10/12/randonnue-en-jordanie-2007/, parcourant les sensuels canyons d’un parc national jordanien. Ce Breton a aussi marché nu dans le désert blanc égyptien… sans trop se demander ce qui lui serait arrivé si quelqu’un l’avait vu: «En fait, dans les deux cas, j’étais sûr d’être seul, avec ma femme, qui, préfère de toute façon rester habillée. C’était un coup de chance, je n’encouragerais personne à m’imiter.»

Dans la vraie vie, Dominique, comme la plupart des naturistes baladeurs, privilégie la randonnue de proximité. Avec son groupe de potes, et grâce à son emploi généreux en jours de récup à la compagnie nationale d’électricité, il marche dans sa région, exclusivement en semaine, sur des parcours certifiés le moins peuplés possible grâce à un repérage préalable.

L’idée, en effet, n’est pas, comme le croient les «textiles» dans leur égocentrisme, de faire peur à ces derniers ou de s’exhiber devant eux. Le marcheur nu, moins il en croise, des habillés, mieux il se porte. Ils sont pour lui une nuisance, puisqu’ils l’obligent à dégainer vite fait sa «jupette» (un short muni d’un velcro sur le côté, facile à enfiler) ou à se couvrir d’un paréo. Oui, il accepte l’idée que les autres n’ont pas forcément envie de lui voir le zizi. Mais quel stress pour ménager leur pudeur.

Et puis, les «textiles» sont susceptibles de causer des ennuis au randonnueur en l’accusant d’exhibition sexuelle. Dans la plupart des pays européens, Suisse comprise, la nudité publique n’est pas un délit en soi, mais selon la jurisprudence et le climat social, elle peut être ou non assimilée à de l’exhibitionnisme. Pour éviter toute ambiguïté, les randonnueurs se donnent donc pour règle de ne jamais se promener seuls. «Souvent, aussi, nous emmenons un petit sac où nous ramassons les déchets trouvés en route», ajoute Jacques Freeman. Avec leur dégaine biobio et leur configuration familiale, il faut vraiment être de mauvaise foi – ou un peu pervers? – pour les prendre pour des obsédés du sexe, plaident-ils. «D’ailleurs, en cinq ans de pratique de la randonnue, j’ai croisé des centaines de personnes, mais je n’ai essuyé aucune réaction d’hostilité», renchérit le vice-président de Apnel, qui exerce, à la ville, une très respectable profession libérale «dans le domaine de la santé», (point de détails, par souci déontologique).

Plus fréquent, en France, le cas du gendarme qui les arrête et téléphone au procureur. Lequel lui dit immanquablement de laisser tomber. En Espagne, où la militance pour la libération du naturisme est particulièrement vivace, des randonnueurs ont porté plainte contre la police qui les avait importunés et ils ont gagné: «C’est le pays le plus en avance du point de vue législatif», précise Jacques Freeman. Ça tombe bien, le climat y est propice à un peau-à-peau avec la nature.

Le pays de Juan Carlos, ses Pyrénées, ses Canaries figure donc en bonne place au hit-parade des eldorados naturistes. Tout comme, en France, l’Ardèche et les Cévennes, qui allient splendeurs naturelles et tradition de tolérance. Le maire de Barjac est lui-même un grand écolo-naturiste devant l’éternel. La Grèce reste un grand classique (la population ne participe pas mais s’est habituée, depuis le temps). Et la Croatie, très tolérante aussi, la meilleure surprise de ces dernières années.

L’Italie? Pas très en avance sur la question. L’Allemagne constitue un cas paradoxal. Alors qu’on y voit des familles tomber la culotte dans les parcs publics, c’est un des pays (la Suisse n’en est pas) où les représentants des naturistes condamnent la nudité hors des périmètres spécialisés. Le président de la fédération allemande a même qualifié les randonnueurs de «névrosés» et de «psychopathes».

Un débat de fond sur les limites de la liberté individuelle? D’abord une affaire de gros sous, corrige Jacques Freeman: «L’industrie touristique naturiste, c’est une affaire énorme. Des millions d’estivants étrangers affluent vers des villes comme le Cap d’Agde qui en ont fait leur spécialité. Les fédérations ont un intérêt financier à ce confinement.»

Ainsi, les randonnueurs ne voient pas d’un bon oeil le projet allemand d’un parcours pédestre conçu exprès pour eux. Parce qu’il serait aussi balisé que payant. Et aussi parce qu’on ne fait pas mieux pour attirer les voyeurs…

Bon. Mais ces corps si désexués, que se passe-t-il pour eux le soir, lorsque, après la balade, ils s’étendent à côté du corps aimé? «J’admets qu’à cet égard, c’est dur», concède Jacques Freeman. Pour réveiller sa libido, que fait le randonnueur? Il s’habille, bien sûr.

Article de Anna Lietti

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bcdijon1184
2 mai 2009 19h57

Bel article et belle résistance suisse, j’espère
La nouvelle est rapportée par Le Monde : “Les rando-nudistes” font de la résistance””
Il y a également un lien vers la vidéo de gilles sur dailymotion. Super
Bruno

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