Avant de poursuivre notre promenade dans ces premières années du mouvement naturiste à Marseille, arrêtons-nous un instant sur cet article écrit par René Kielinger à Nice et paru en 1932 dans la revue suisse Die Neue Zeit. Il dresse un tableau assez juste du mouvement naturiste sur le littoral méditerranéen français. Parmi les pays européens qui, par un climat particulièrement favorable, se prêteraient le mieux à la pratique permanente de la Libre-Culture, c’est surtout dans la France méridionale que ce mouvement a pu trouver un peu d’hospitalité.
Grâce aux efforts infatigables de M.-K. de Mongeot, éditeur de la revue bi-mensuelle « Vivre Intégralement », le mouvement gymnique français s’est développé rapidement et l’on y est déjà arrivé à de très belles réalisations. Quand même « Ne pas être vu » c’est toujours la loi suprême à laquelle doivent se soumettre tous ceux qui veulent se baigner nus en France. En général, on peut dire que les autorités françaises favorisent le nudisme à Marseille et Lyon et le tolèrent à Bordeaux, Alger, Strasbourg etc… A Paris, il y même deux centres très importants, celui du Sparta-Club et celui du Club Gymnique de France.
Dans la « douce France », c’est-à-dire sur la Côte d’Azur, actuellement, il y a quatre groupes nudistes dont deux à Marseille, un à Toulon et un à Nice. Tous font partie de la « Fédération des Centres Gymniques des Amis de Vivre ».
Je ne veux parler des « Naturistes de Provence » de Marseille qui, en 1930, grâce à l’activité de Monsieur Ellis, ont réussi à trouver un centre insulaire qui est une véritable merveille paradisiaque. Un reportage détaillé et illustré en a été publié dans le numéro 5 de la « Neue Zeit » de 1930. Monsieur Ellis, un des plus grands animateurs du nudisme français, en outre, a créé un grand centre à Arles, et récemment, il a ouvert un troisième très beau terrain gymnique aux environs de Marseille, appartenant à l’Association libre-culturiste de Provence (siège social : 8, rue Paradis). Dans ces deux derniers centres seront les bienvenus tous les nudistes étrangers bien recommandés qui sont de passage à Marseille.
La « Société Naturiste du Var » à Toulon n’a pas de terrain ; son activité actuelle se borne à des sorties hebdomadaires. A la suite d’une certaine imprudence quant au choix du terrain, ce groupe a dû passer un procès très sévère.
Au début du 20ème siècle déjà, des précurseurs de la Libre-Culture française, ont vécu dans des endroits solitaires aux environs de Cassis et sur l’île du Levant ; plus tard, un autre apôtre de la Nature a prêché la Libre-Culture dans les gorges du Verdon, tandis qu’un groupe gymnique qui se composait plutôt d’idéalistes allemands a existé pendant quelques années à Villars (A.-M.) ; actuellement cette colonie nudiste, après avoir passé par bien des difficultés, a trouvé un refuge idéal en Océanie, d’après quelques rapports dans l’Ile de Milingimbi.
Au cours de la première moitié de cette année, l’île du levant connue par sa solitude et sa beauté naturelle, est devenue centre naturiste sous la direction des docteurs Durville de Paris, mais dès l’arrivée des naturistes, la pratique de la gymnité n’y a plus été permise !
Heureusement sur le littoral entre Marseille et Saint-Raphaël, il y a bien des endroits encore qui permettent la pratique de la gymnité sans trop de risques. Voici d’abord la côte rocheuse entre Marseille et Cassis, voilà surtout certaines plages entre Hyères et St Tropez où le bain nu semble devenir général. Pourtant, pour ne pas être dérangés par les curieux du grand public avec ses préjugés, ses lois et son snobisme, ces baigneurs sont forcés de se retirer dans les coins les plus isolés. Quelles précautions ne faut-il pas prendre pour enfin jouir d’un peu de liberté en pleine nature, aux bords de la Grande Bleue ! Certes, les montagnes boisées du département du Var offrent bien des abris merveilleux, mais qui donc, en plein été, voudrait renoncer aux joies des bains de mer ?
De Saint Raphaël à Menton, la Côte d’Azur est tellement surpeuplée qu’il est extrêmement difficile d’y trouver des coins isolés. Pourtant, peu à peu, lentement, un changement des mœurs se fait valoir. Ne sont-ils pas déjà très nombreux ceux qui, tous les jours, doivent être avertis par des agents de police que leurs maillots ou slips sont contraires aux règlements ? Pendant la saison balnéaire, le snobisme international à Juan-les-Pins et Cannes se livre à un demi-nudisme des plus excentriques, à des exagérations et abus qui sont justement contraires aux idées de la Libre-Culture.
Il s’agit, là, d’une aberration dangereuse. Mais de l’autre côté, ce culte du soleil, même sous la forme d’une mode encore peu consciente a été cause de bienfaits incontestables ; il ramène pas mal d’individus aux ressources de la nature qui autrement ne seraient jamais arrivés à profiter des bienfaits de la lumière, de l’air et de la mer. Il est certain que peu à peu, ces excès disparaîtront à mesure que le nudisme intégral fera des progrès. Ceux-ci ne manqueront pas.
En octobre 1931, par exemple, une conférence publique du Dr. Sorel, médecin très célèbre, a été un succès formidable pour la bonne cause de notre mouvement. Même « l’Éclaireur de Nice et du Sud-Est », le journal très puissant des hôteliers et des conservateurs, journal qui en 1930 a publié des articles très hostiles au nudisme (« nous admettons toutes les excentricités sauf celles qui veulent changer notre moralité actuelle ») vient de publier des articles très favorables au nudisme, car dès que les hôteliers ont découvert que le nudisme pourrait attirer du monde, toute la moralité antédiluvienne leur est bien égale. A présent, les autorités ne s’opposent plus au nudisme pratiqué dans des endroits suffisamment abrités.
C’est pourquoi, les réalisations naturistes et gymniques de la région niçoise sont déjà assez nombreuses.
Mentionnons entre autres le solarium gymnique de la nouvelle « Monte Carlo Beach », le « Nid » (foyer d’enfants) à Nice, le centre naturiste et sportif du Trait d’Union (société végétarienne de culture humaine) au Domaine de l’Étoile sur le Pessicart derrière Nice, où se trouve en même temps une bonne pension végétarienne au milieu d’un merveilleux parc subtropical, citons l’Institut de Culture Gymnique et de Régénération du professeur Basile Vrocho à Nice, etc…
Sans doute, les réalisations les plus intéressantes jusqu’ici ont été celles de la Ligue Gymnique de la Côte d’Azur. Ce groupe compte plus de 50 adhérents, surtout à Nice, mais aussi dans les principaux endroits de la région. Malgré l’absence d’un terrain gymnique, depuis sa fondation au mois de février 1930, son activité a été très remarquable.
En été 1930 et1931, chaque dimanche, un groupe de baigneurs s’est réuni en des endroits solitaires au bord de la Méditerranée. On y a nagé, on a fait de la gymnastique et des jeux, on a joui en toute tranquillité de bains de soleil les plus complets. En hiver 1930/31, souvent aux mêmes dimanches, l’activité sportive de la Ligue fut partagée.
Les uns, grâce au climat doux du littoral, continuaient les baignades aux plages convenables, faisaient des sorties en mer au moyen d’un grand bateau, à moteur et à voiles à la fois, dirigé par un pilote très expérimenté, ou arrangeaient des excursions aux collines des environs de Nice, où ils profitaient du soleil, soit au milieu de forêts sauvages de pins, soit abrités par des bois odorants de mimosas en fleur, soit même cachés derrière les ruines d’un village totalement abandonné qui ressemble au château du Graal dans Parsifal de Wagner. En même temps, d’autres membres, souvent même assez nombreux, dirigés par un moniteur suisse, faisaient des sorties gymniques en skis, aux cimes blanches des Alpes Maritimes, où à une hauteur de 1500 à 2000 mètres, ils jouissaient d’un exercice physique sain et harmonieux, presque toujours exposés aux rayons ultra-violets du soleil alpestre et méditerranéen, dans un air pur, sous un ciel d’azur foncé.
Des corps endurcis et vigoureux, bronzés par la lumière réfléchie de la neige, un esprit gai et naturel : voilà ce qui en fut le résultat. Au printemps et en automne, un des alpinistes les plus fervents de la région tâche de familiariser les adhérents avec les courses en montagne, avec et sans escalade. Quand, enfin, le terrain ainsi qu’un solarium gymnique sur une terrasse en ville seront trouvés et aménagés, quand, pendant les semaines d’hiver, des soirées de gymnastique et de natation dans une piscine privée seront organisées, la Ligue Gymnique de la Côte d’Azur deviendra peut-être un des groupes gymniques les plus parfaits en Europe.
Il va sans dire qu’on ne néglige pas du tout le côté spirituel et moral de notre mouvement. L’hiver dernier, un groupe espérantiste a gagné bien des sympathies parmi les membres.
A côté de soirées musicales et d’amusements connues en Allemagne sous le nom de « Heimabende », des réunions mensuelles ont été convoquées où de nouveaux adhérents pouvaient être reçus. En été 1930, deux projections de films nudistes ont été organisées, des conférences sur le Naturisme et des causeries suffisamment documentées sur la Libre-Culture en Suisse, Hollande, France et Allemagne ont intéressé bien des adhérents et sympathisants.
De nombreux libre-culturistes français et étrangers ont été reçus. A l’occasion de la visite d’un groupe d’une dizaine d’allemands, des discours ont été prononcés qui ont souligné l’importance de la Libre-Culture qui aide ainsi au rapprochement des peuples. Seront continuées les recherches intenses en vue de trouver un terrain convenable. Actuellement, un jardin merveilleux, un véritable Eden abandonné, a été trouvé, mais c’est le capital qui manque.
Une subvention de quelques centaines de francs suisses (en monnaie française, cela fait de grandes sommes) suffirait à la création d’un véritable paradis à la Riviera, contrée du soleil et de la joie de vivre. Il ne s’agit, là, pas seulement d’une question locale du groupe niçois, non, c’est certainement un problème qui mérite l’attention de tous les libres-culturistes européens ! Le soleil y paraît régulièrement tous les jours (sauf peut-être aux mois de février et septembre), l’accès en est facile et bon marché, la vie n’est pas chère du tout, l’établissement d’un centre nudiste de vacances aux Alpes Maritimes intéresserait certainement beaucoup d’adhérents vivant dans des contrées moins favorisées que le littoral azuréen.
Des membres étrangers bien recommandés par des sociétés appartenant à l’Union Européenne pour la pratique de la Gymnité, si de passage à Nice, seront reçus par la Ligue Gymnique de la Côte d’Azur. En quittant la Côte, ils continueront certainement à rester des amis fidèles de ce pays hospitalier et de son mouvement gymnique.
bravo pour la richesse de ces articles d’histoire ! Le temps des pionniers à la conquête d’un idéal. Face à cet idéal, les portes s’ouvraient plus grandes , plus vite quand les portefeuilles s’ouvraient aussi. Il faut en passer par là, c’est l’histoire qui se répète dans l’aventure de tous les villages et centres divers. Force est de constater que ça a “socialisé” le mouvement. L’idéal est que beaucoup de naturistes eux gardent un idéal.
salut
super boulot d’histoire et en plus les photos nous montre que a cette époque les touffes n’était pas rasé mais a l’état naturelle
dom r
Bonjour,
beau travail et un sujet très bien traîté, avec des photos d’époques de la joie de vivre nu dans la nature.
Amicalement Eric