5 choses à savoir sur Spencer Tunick, l’artiste qui dénude les foules
À travers le monde, l’artiste new-yorkais âgé de 55 ans réalise depuis plus de 30 ans des installations humaines insolites, ayant pour objet la nudité des masses dans l’espace public. L’occasion de revenir sur 5 faits essentiels qui ont forgé la carrière d’un artiste hors du commun. Caroline Appert
6 avril 2022
1.Il réactualise la tradition du nu
Avec pour principe la nudité de masse sérielle, Spencer Tunick s’absout de toute charge érotique et pornographique. Les milliers de personnes dénudées se fondent au sein d’une communion de groupe égalitaire et participent ainsi à une vision allégorique, bien loin du corps individualisé et sexualisé. Les imperfections et la diversité des corps se fondent dans l’unité. L’artiste se confie :« Le corps est pour moi un médium que je regroupe pour former un organisme abstrait, formel, émouvant, qui ne ressemble plus à des corps, mais à une mer de rose avec des teintes de brun, de jaune, de beige ». Comme il pourrait le faire avec de l’argile, il explore le corps humain comme d'un matériel artistique de modelage d’une forme. La chaleur de la peau contraste avec le bâti urbain froid. Nudité sans filtre, impersonnalité dérangeante, inertie des corps… son travail presque post-apocalyptique est souvent associé à l’écœurante fragilité de l’être humain face au monde qui l’entoure.
2.Il est le gagnant d’un procès en faveur de la liberté d’expression artistique
Au début des années 1990, l’artiste en tout début de carrière commence à réaliser ses premières installations de groupes nus dans les parcs, places et rues de New York, sa ville natale. Dans un premier temps toléré par la police new-yorkaise, l’artiste est ensuite plusieurs fois arrêté alors qu’il photographie un nombre croissant de modèles dans le décor urbain, en réponse à l’extrême restriction qu’il subit. Les années 1990 marquent en effet une forte période de transformation radicale de la ville qui pousse à la tolérance zéro et entraîne de fait la baisse du taux de criminalité. En 2000, Spencer Tunick gagne un procès contre la ville de New York, flambeau historique qui devient un précédent juridique en faveur des droits artistiques pour la liberté d’expression et de création.
3.Il est militant politique et social
Engagé pour la cause environnementale aux côtés de Greenpeace, Spencer Tunick entend capter l’attention médiatique et faire pression sur les responsables politiques grâce à ses installations de foules nues, dans la lignée de la nudité militante qui se généralise dans les milieux alternatifs et écologistes. En 2007, l’artiste entame une première collaboration avec l’organisation internationale de défense de l’environnement, sur le glacier suisse Aletsch où près de 600 personnes posent nues, dans la neige et le froid glacial. En 2009, en France, dans un vignoble bourguignon, 700 français se dénudent à quelques mois de la conférence de Copenhague sur les changements climatiques. Pour sensibiliser sur la vulnérabilité de l’humain face aux changements climatiques, celui-ci, dépossédé de ses vêtements, sort symboliquement de la société de consommation.
4.Il photographie lui-même ses installations
De Time Square à la Mer Morte en passant par les plus grandes métropoles comme Sidney, Mexico, Barcelone, Londres et Vienne, Spencer Tunick documente ses installations artistiques hors norme en les photographiant. Ancien étudiant de l’Emerson College et diplômé de photographie en 1988, l’artiste utilise la photographie pour pérenniser ses installations et prouesses dans le temps. Aussi bien au moment de la prise de vue qu’a posteriori sur le cliché, ses créations produisent un effet de surprise sur le spectateur qui est déstabilisé face à autant de vulnérabilité et nudité d’une si grande envergure.
5.Ses modèles sont bénévoles par milliers
Les foules entières posent par centaines, parfois par milliers, agenouillées, allongées, debout ou mêmes peintes comme dans Big Color (2010). Ce sont des femmes et des hommes de tout âge qui participent, à travers le monde entier, à cet art si singulier de la rencontre. Bien plus qu’une figuration, ces bénévoles recrutés participent au processus de création en repoussant les limites de la pudeur, car si certains sont naturistes, la plupart n’ont jamais expérimenté une telle expérience. Poser nu pour l’artiste face au monde entier est un véritable dépassement de soi et un investissement aussi bien physique que psychologique. Pour mener à bien le projet créatif, l’artiste demande à ses modèles de demeurer immobiles sans sourire. Se surajoute à cela des conditions environnementales vécues difficilement dans la nudité, notamment par temps froid ou caniculaire avec un sol caillouteux et irrégulier par exemple. Afin de les remercier pour leur temps et effort, Spencer Tunick offre à chacun un tirage dédicacé de leur pose.
