"Vivre nu", quel meilleur titre quand il s'agit de parler de naturisme ? C'est en tout cas le titre du livre de Margaux Cassan dont la parution est prévue pour le 5 avril 2023.
Voici la présentation de ce livre sur la page de l'éditeur.
https://www.grasset.fr/livres/vivre-nu-9782246830962
« Mon enfance, je l'ai passée nue, entourée de corps nus. L’été, je rejoignais mon oncle et ma tante dans un petit village naturiste du sud de la France. Ce qui était un geste spontané, presque un réflexe, s'est transformée en revendication, plus tard, quand ma nudité est devenue aux yeux des Autres une transgression, une humiliation (presque chacun d’entre nous a déjà cauchemardé de se retrouver nu devant tout le monde, à l’école ou au travail), une source de fantasmes voire un délit, comme l'est la publication d'un pubis sur les réseaux sociaux. On comprenait comme de l'exhibition ce qui, le plus souvent, relève du camouflage.
Le cœur du naturisme, c’est toujours la Nature. C’est elle qu’on vient rencontrer, toucher, sentir. Les pieds nus qui s’abîment sur les rochers. L’herbe jaunie qui griffe les chevilles. Le soleil brûlant qui tombe sur le nombril à midi. L’eau qui file sur les seins et suit les lignes de l’aine que le moustique viendra piquer dans la nuit. La brise du soir qui sèche les cheveux encore humides et caresse le dos.
J’ai choisi, comme 2,5 millions de Français, d’adopter un mode de vie différent. Car le naturisme est aussi bien une philosophie qu’une pratique, dont la nudité n’est qu’un élément. En hiver, les naturistes s’habillent bien sûr, mais ils restent fidèles à des valeurs – l'acceptation du corps, le sens de la communauté, la frugalité, mais aussi la liberté, et avec elle, la revendication d'une contre-culture. »
Dans ce récit aux accents d’invitation au voyage, Margaux Cassan nous conduit dans l’univers méconnu du naturisme. Des premières communautés libres formées par des anarchistes au début du XXème siècle aux utopies fanées des années hippies; du village familial du Vaucluse où elle a passé son enfance au libertinage de l'Île du Levant, l’autrice dresse une cartographie philosophique et historique de ce mouvement. Son témoignage, parfois documentaire, parfois journal intime, interroge ce que la nudité dit d’une société obsédée par la question du corps, mais incapable de montrer le sien. Dans un monde où le vêtement sert les intérêts de la pudibonderie comme de l’hyper-sexualisation, où il est devenu un marqueur social, qu'est-ce que la vie nue ? Une autre manière d’habiller le monde.
Présentation rapide de l'autrice, Margaux Cassan
https://www.revue-etudes.com/auteurs/margaux-cassan-26211
Interview (sans rapport avec le livre qui nous intéresse dans ce sujet).
Je prends note ! Ce texte fait envie, outre son diplôme de Normale-Sup en philosophie des religions qui doit apporter un éclairage pertinent.
Je prends note également. Un rappel dans le téléphone pour une prochaine commande.
"..... au libertinage de l'Île du Levant,...."
Voilà, après les dérives du Cap d'Agde, qui continue d'entretenir l’ambiguïté nudité-naturisme-partouze libertine !
Ce n'est pas demain que la Naturisme va trouver son simple équilibre nudité-harmonie avec la nature! On ne sortira jamais de l'hypocrisie.....
Margaux Cassan, dans son livre qui sortira le 5 Avril 2023, elle aura écrit tout son ressentie qu'elle a
vécue, depuis le jour où elle a mit un pied dans le naturisme.
Comment être nu dans la nature change notre rapport au monde
ENTRETIEN. Dans « Vivre nu », l’autrice Margaux Cassan nous emmène dans le monde du naturisme, dans lequel elle voit un remède à de nombreux maux de l’époque.
Temps de lecture : 7 min
La Fédération française de naturisme a beau annoncer chaque année la hausse du nombre d'adeptes (2,5 millions), les villages réservés continuent de fermer leurs portes. C'est à partir de ce constat, et de la menace de voir celui de son enfance, Bélézy, dans le Vaucluse, transformé en camping « textile », que Margaux Cassan a décidé de monter au créneau. À 25 ans, diplômée d'un master en philosophie des religions et lancée dans une thèse de théologie, à Strasbourg, sur la charité dans le protestantisme et la justice sociale, elle interrompt ses recherches pour devenir plume.
Selon elle, le « naturisme familial, classique », par opposition aux pratiques plus « sexualisées », telles que le nudisme, décroît. La nudité dans la nature « ne parvient plus à capter les jeunes de (s)a génération, ni ceux de 30 ou 40 ans », dit-elle. Dans Vivre nu (Grasset), Margaux Cassan détaille, derrière la contre-culture et la marginalité revendiquée de cette pratique, ses valeurs et ses vertus. « Avec une alimentation frugale, des journées rythmées par une pratique sportive et le sauna, nous dit l'autrice, vous vous sentez comme au sortir d'une cure thermale en Suisse, sauf que c'est gratuit. » En mêlant l'histoire du mouvement et son expérience personnelle, Cassan démontre avec habileté que le naturisme permet de renouer avec la nature, de s'ouvrir à la diversité des corps et à l'acceptation de soi.
Le Point : Dans les années 1960-1970, le naturisme battait son plein. Sommes-nous devenus pudiques ?


Margaux Cassan :Le rapport au corps a, en effet, beaucoup changé. Il est sans doute, pour ma génération, inspiré par les États-Unis, qui entretiennent quant à eux un rapport éminemment paradoxal entre une forme de puritanisme, où l'on veut absolument dissimuler le sein, le sexe, parce qu'on considère que les montrer cache forcément une intention sexuelle, et, de l'autre, une hypersexualisation du corps. Qu'on veuille le cacher ou au contraire l'exhiber, le corps est désormais réduit à l'état d'objet de désir potentiel, surtout s'il s'agit du corps féminin.
À LIRE AUSSINaturisme : « Les femmes sont les plus curieuses de la pratique »
C'est notre regard qui a changé ?
Je pense que la façon dont on regarde le corps, cette association nudité-exhibition, est liée à l'usage des réseaux sociaux. Le corps y est uniquement perçu à travers le prisme du regard. Derrière la nudité, il y aurait forcément l'intention d'être regardé. D'ailleurs, sur les réseaux sociaux, même si vous choisissez vous-même l'image de vous que vous voulez montrer, si vous êtes maître du contenu, vous n'en êtes pas moins figé dans une image, un instant T, et vous êtes là pour être regardé. C'est pour ça qu'il serait salutaire pour les jeunes de revenir dans les villages naturistes, de façon à considérer leur corps autrement que comme un objet destiné au regard. Le corps ne se réduit pas à ça.
Dans les villages naturistes, la nudité fonctionne comme un uniforme.
Votre village naturiste, Bélézy, a sa propre charte. N'est-ce pas là un paradoxe, quand on prône la liberté ?
La liberté, de mon point de vue, est assez secondaire. Si les gens viennent dans des communautés naturistes, c'est d'abord pour ressentir l'égalité entre les genres, entre les corps, entre les classes sociales, puisque le vêtement crée souvent cette distinction.
L'effet lissage des classes sociales, en retirant ses vêtements, de l'utopie soixante-huitarde, vous semble-t-il encore valable aujourd'hui ?
Historiquement, c'est venu assez rapidement, pour se libérer du capitalisme industriel et du patriarcat. Pour Sophie Zaïkowska, dont je parle dans le texte, ç'a été d'enlever son corset. Un corset comme objet de domination.
Qu'apporte d'embrasser du regard les corps dans leur diversité ?
Quand on se regarde soi-même dans le miroir, c'est souvent comme une dysmorphie. Vous ne vous voyez pas comme vous êtes et vous vous focalisez au contraire sur tel ou tel défaut. Dans un village naturiste, d'abord, il n'y a pas de miroir, on ne se prend pas en photo avec son smartphone. Les corps que vous voyez ne sont pas ceux que vous montrent les réseaux sociaux ni les publicités, qui n'ont d'ailleurs rien de représentatif. Prendre conscience de la diversité des corps, c'est libérateur pour soi. Si on pense qu'un homme se définit par un pénis, par exemple, on se plante complètement. Il y a des hommes dont on ne voit pas le pénis, soit parce qu'il est petit, soit parce que leur ventre le cache. L'art statuaire, et à présent les réseaux sociaux et la publicité, a fait beaucoup de mal à notre conception du corps. Et je pense que le fait de le voir dans sa réalité, non idéalisé, dans sa diversité, permet tout simplement de se décentrer. Vous n'êtes plus seul face au miroir en train de vous demander si ce n'est un peu trop gras ici ou trop plat là.
Montrer le corps dans sa diversité, c'est l'argument du mouvement qu'on appelle « body positivisme ». En quoi le naturisme se différencie-t-il ?
Ce que je vais dire est un peu clivant. Je pense que c'est une chose d'accepter la diversité des corps, mais que, dans le body positivisme, il y a autre chose. Parce que, parfois, ce mouvement veut mettre en avant des corps qui, sous prétexte d'être différents, sont des corps en mauvaise santé. Ce qui est intéressant dans le naturisme, a contrario, c'est qu'effectivement il n'y a pas de corps parfait, mais le curseur du « bon corps », entre guillemets, c'est quand même la santé. Si vous pensez avoir trouvé le chemin de la tolérance parce que vous exposez des femmes qui sont en situation d'obésité, je suis sceptique. Tout comme j'estime que l'extrême maigreur a été une catastrophe. Nous sommes d'ailleurs en train de glisser vers l'extrême inverse : pour correspondre aux codes du mannequinat, il vaut désormais mieux être en surpoids ou porter des taches sur le corps, le vitiligo. Je pense tout haut, mais je dirais que ce qui distingue le body positivisme, c'est que vous êtes encore dans la différence. Vous êtes cool parce que vous êtes différent. Le naturisme, c'est exactement l'inverse. Les corps sont certes différents, mais on n'exacerbe pas les différences.
Dans un village naturiste, on en vient à regarder un sexe exactement comme on regarde un coude.
« L'endroit le plus érotique d'un corps n'est-il pas là où le vêtement bâille ? » écrivait Barthes. Quid du désir sexuel quand on ne cache plus rien ? Est-ce que voir la verge de l'autre aussi souvent que son coude annihile le désir ?
Dans un village naturiste, on en vient en effet à regarder un sexe exactement comme on regarde un coude. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de désir. Le soir, on s'habille, et si drague il doit y avoir, drague il y aura. Dans la journée, en revanche, avec la nudité, l'accord est tacite, on ne s'aborde pas. D'autant qu'il est vrai que le désir est construit, à tort ou à raison, sur un sentiment de transgression et d'inaccessibilité. Le corps nu n'est jamais plus désirable que vu par le trou de la serrure…
Vous écrivez : « Retirer sa culotte, ça change tout dans son rapport au monde. » On verrait le monde autrement, cul nu ?
J'ai bien écrit ça ! Je parle du rapport à la nature. Je ne sais pas si vous avez déjà fait l'expérience de nager nu dans la mer, mais le sentiment est immédiatement très différent. D'abord, c'est beaucoup plus agréable de sentir l'eau sur sa peau, mais on se sent aussi bien plus vulnérable. On ne voit pas le fond, on pense aux méduses, etc. On se sent à la fois réceptif à la nature et vulnérable à ses aspérités. Le froid comme la chaleur sont ressentis d'une autre façon. Personnellement, je ressens même davantage mon animalité. Je m'explique : c'est comme si j'avais un rapport plus spontané aux êtres vivants. C'est à ce propos que je me demande pourquoi les jeunes ou les militants écolos ne se saisissent pas de la cause naturiste ! Parce que, pour protéger la nature, il n'y a pas de meilleur moyen que de se sentir en faire partie. La nudité dans un environnement naturel nous donne ce sentiment de partage et de fragilité. On se sent aussi fragile qu'une feuille. La nature et soi.
Vivre nu, de Margaux Cassan (Grasset, 216 p., 19 euros).
Encore trop récent pour que des médiathèques de grandes villes comme Paris, l'aient déjà en prêt.
Encore un article:
https://fr.news.yahoo.com/nu-naturisme-guerir-maladies-corps-sexe-111134820.html
Et si pour guérir il suffisait de "vivre nu" ? Margaux Cassan, philosophe et naturiste, parle de son expérience
Journaliste jeudi 11 mai 2023 à 1:11 PM UTC+2
Margaux Cassan n’a que deux ans lorsque ses parents l’envoient à Bélézy, un village dans le Vaucluse, dans lequel vivent sa tante et son oncle. La particularité de ce lieu ? On s’y déplace nu. Bélézy est un village naturiste avec des chartes. "C'est pour protéger les membres et notamment les enfants afin d'éviter qu'il y ait des voyeurs, voire des pédophiles qui viennent. Il y a des règles qui sont assez strictes. Toutes ces règles sont utilisées afin d'éviter d'utiliser la nudité comme levier pour érotiser son propre corps. Dans les règles, il peut y avoir l'utilisation des piercings, des tatouages... De tout ce qui est considéré comme une érotisation du corps."
Petite histoire du naturisme
Avec son essai "Vivre nu" (éd. Grasset), Margaux Cassan tient à rendre ses lettres de noblesse à une pratique, qui a "trop longtemps souffert de sa confusion avec le nudisme." La jeune femme, qui pratique le naturisme quasiment depuis toujours, explique que "le nudisme est juste le fait d’être nu pour être vu. Il y a donc l’intention d’être regardé par les autres. Ça peut être une intention sexuelle, ou pas du tout. Ça peut être un happening politique, comme le font les Femen par exemple." À la différence du naturiste qui "se déshabille pour supprimer le superflu entre lui et les éléments : pour sentir l’eau, le vent, l’herbe lécher sa peau", souligne-t-elle dans son essai.
Le naturisme est un style de vie pratiqué ponctuellement et localement par quelque deux millions et demi de Français. Le mouvement prône un rapprochement avec la nature et une sobriété de la consommation "tels que le végétarisme, le fait de consommer peu d’alcool, peu de sucre… Une certaine pratique de la sobriété en général qui passe aussi par la sobriété de la consommation", confie l'autrice.
Dans "Vivre nu", la philosophe naturiste documente les origines du mouvement pour le décrasser de l’image ringarde, voire beauf, qui lui a été accolée. Il puise ses racines dans la volonté d’un mouvement médical, les hygiénistes, "les premiers antivax de la fin du 19e et du début du 20e", souligne Margaux Cassan, qui préconisent de soigner (et non pas de vacciner) avec les éléments de la nature tels que l’eau et le soleil. Ainsi les hygiénistes préconisaient un bain d’eau froide et une exposition au soleil pour guérir de certaines maladies. En même temps, l’art de vivre nu est sollicité par les mouvements anarchistes qui luttent contre les corsets capitalistes et patriarcaux de la société. Leur idée était la multiplication de petites communautés où règne la parité du capital et des sexes. C’est au sein de ces micro-communautés qu’est née "la pratique de la sobriété", une des caractéristiques du naturisme, qui consiste notamment à manger végétarien et ne pas consommer d’alcool.
Vidéo. "Quand j'avais 2 ans, mes parents m'ont envoyée dans un village naturiste"La question taboue de l’inceste
Margaux Cassan est née avec ce mode de vie, hérité de sa famille. Une vie dont elle ne s’est jamais cachée depuis sa plus tendre enfance. Dans son livre, elle retranscrit avec humour et malice les questions naïves de ses camarades de classe à son retour de vacances. "Mes amis me demandent comment se passent les retrouvailles, dans un village naturiste. Si l’on s’embrasse, si l’on se prend dans les bras ou si la nudité l’empêche. Peut-être que l’on s’embrasse, oui. Et quand on mange ? On est nus ? Si l’on veut. Chez nous, on est plus souvent nus, une serviette sur la chaise." Si elle se remémore ces questions, c’est parce que la philosophe prend compte du tabou de la nudité dans les relations familiales et des interdits que cela vient effleurer : "Quand on dit qu’on a passé les vacances avec ses parents, ses grands-parents, sa tante et son oncle tous tout nus, ça crée une sorte de curiosité, d’interrogation sur ce que peut être la nature de la relation entre une jeune fille et ses aïeux en général. Mon parti pris, c'est de dire que puisqu’il n’y a pas d’intention sexuelle dans le rapport au corps, le rapport aux autres va être beaucoup plus direct et spontané."
Les procès intentés au naturisme sont nombreux. Dans "Vivre nu", l'autrice balaie d’un revers de main les accusations à peine voilées d'inceste. "Si l’inceste était un phénomène propre au naturisme, cela se saurait."
Pendant une période de sa vie, Margaux Cassan a délaissé Bélézy. Ces années sont celles de l’adolescence. L’autrice le concède : "Il est vrai que pour s’octroyer le droit d’avoir un corps, il vaut mieux que le corps soit attaché à une certaine identité". Or, l’adolescence est une période charnière. Le corps qui mue est à l’origine d’une perte d’identité et peut générer des troubles. "C’est à cette période que les bains que je prenais avec mon père ont commencé à m’interroger, non pas parce qu’il relevait d’une indécence chez mon père lui-même, pour qui c’était un moyen comme un autre de passer du temps tous les deux - nous en avions peu - mais parce que j’avais besoin, pour être vue nue, d’être arrivée au bout de ma métamorphose."
Dans son récit, la jeune femme opère une ellipse volontaire, correspondant à son adolescence. "J’ai fait une expérience assez désagréable, à un moment où je me considérais encore comme un enfant, un objet de désir pour certains hommes." Elle traverse alors une période trouble dans son processus d’identification, marqué par une poitrine asymétrique, des traumatismes et un ventre qui gonfle (et lui fait mal) sans raison médicale évidente.
Se montrer nue devient un frein à sa construction. Quelques années plus tard, le nu contribuera à sa cicatrisation. "Je me suis rendu compte en parlant avec d’autres femmes du caractère thérapeutique du nu", un caractère qui s’explique par l’absence de charge érotique. Un postulat qui peut étonner. Là encore, la jeune femme dégoupille plusieurs arguments. La nudité qui s’offre est-elle un vecteur sexuel ? "Il n'y a pas plus de sexualité parce qu’on est nu. Il y en a même moins. C’est souvent le vêtement qu’on utilise pour se rendre érotique, sexy et désirable. Aussi, le désir des autres nait beaucoup de la transgression. Du coup, ce mélange entre la nudité franche et la nudité collective gomme l’érotisme."
Ce qui fait dire à Margaux Cassan que le naturisme est un rempart au voyeurisme. "La franchise du corps nu lui retire tout son érotisme. Chez nous, on dit que la nudité est un rempart au regard. Ce n’est pas tout à fait vrai. Bien sûr, les corps se voient ; mais ils ne se matent pas : ils ne réduisent pas l’autre à la projection d’un désir personnel (mater, dans son sens premier, veut dire "soumettre"...)" écrit-elle dans son essai.
Ce rempart, qui selon elle s’explique par l’absence de vêtement, l’aide dans le processus d’acceptation de son corps. Une acceptation qu’elle a trouvée dans une autre forme de validation. À l’âge adulte, la philosophe est devenue modèle vivant. Elle s’épanouit alors dans une validation qui ne se traduit pas par le désir sexuel "mais par une autre forme d’esthétique."
Vidéo. Margaux Cassan : "Il n’y a pas plus de sexualité dans un village naturiste. Il y en a même moins""Je ne me suis jamais sentie en danger face au sexe mou d'un étranger"Le nu la libère aussi de la crainte qu’elle a envers le genre masculin. Le rapport à son corps, ainsi que sa validation, exacerbe sa vulnérabilité face aux "textiles" (les gens habillés dans le jargon naturiste, ndlr). Une constatation qui peut surprendre et qu’elle explique, entre autres, par la culture de la protection qui caractérise les espaces naturistes. "J’ai la conviction que s’il m’arrivait quelque chose, la moindre personne qui passe, même inconnue, elle me protègerait. Ce qui n’est pas le cas dans le RER ou le métro."
Si les anarchistes voulaient abolir la domination de classe par le nu (sans ses habits, le bourgeois ne se distingue pas de l'ouvrier, selon leur idée), l'autrice suggère que le naturisme fait s’évaporer "les rapports de domination qui déterminent souvent la relation entre les hommes et les femmes".
"En retirant mes vêtements, j’ai découvert que l’homme dans son état de nature n’était un danger pour personne. Pour ainsi dire, je ne me suis jamais sentie en danger face au sexe mou d’un étranger."
Dans sa vulnérabilité, l’homme devient une femme, comme elle. "Je ne sais pas si c’est lié au fait qu’il n’y ait pas d’érection ou si c’est juste une forme de vulnérabilité du corps masculin dans sa nudité qui fait qu’il est moins associé à mon esprit à la prédation." Une idée qu’elle a résumé dans son livre par le fait que les hommes habillés dans l’espace public lui évoquent plus de peur.
Même lorsqu’au hasard d’une rencontre fortuite dans un sentier de l’Île du Levant, un étranger lui "gobe son téton" après lui avoir photographié le sein. Un geste qui dure à peine plus d’une fraction de seconde. "Je n’ai pas eu le temps d’en être froissée. C’était un acte aussi anodin que brutal, qui m’a laissée tiède", écrira-t-elle. "Objectivement, c’est une agression, mais je ne me suis pas sentie en insécurité pour les raisons invoquées : la conviction d’être protégée et la vulnérabilité de cet homme."
La genèse de l'écriture d'un essai sur le naturisme vient de l'annonce du rachat du village naturiste de Bélézy par un grand groupe. Face à la peur de perdre l'âme naturiste du village, Margaux Cassan a pris la plume pour parler de son mode de vie. Elle espère que cela donnera envie aux jeunes générations de tenter l'expérience.
J’ai eu l’occasion de lire ce livre que je viens de terminer, j’apprécie énormément son écriture… très intime par contre car on est presque dans sa tête… elle se pose des questions, compare son corps avec celui de sa nouvelle amie (lorsqu’elle retourne à Belezy après l’adolescence)
par contre la partie sur l’île du levant me fait dire que je suis bien dans des endroits familiaux
Je suis d'accord.
J'ai bien aimé le livre, en particulier le chapitre 3 qui comprend des réflexions intéressantes sur le naturisme en le comparant au nudisme. J'ai été moins intéressé par le chapitre 6 sur l'Île du Levant, ça ne m'incite pas à y aller.
Je cite juste un extrait (p. 86) : "
Il y a de toute façon une certaine ambivalence dans le discours naturiste, qui prétend que la nudité invisibilise. C'est incontestable pour la nudité collective, et j'en ai fait l'expérience plus d'une fois, mais on ne peut pas nier que la démarche de la nudité est une exhibition, qu'elle apporte, ou m'a apporté en tout cas, une confiance en soi qui n'existe que parce que son propre corps à travers le regard des autres trouve une adhésion. Il faut que les autres vous voient pour sentir cette approbation, même quand le regard des autres est indifférent. L'indifférence du groupe donne le sentiment de ne pas être en défaut, et aide à s'accepter".
une interview vidéo à
Le naturisme, un mouvement en déclin: interview de Margaux Cassin
Heureusement que Margaux Cassin parle très bien du naturisme, car qui d'autre le ferait aussi bien qu'elle
le fait, depuis la sortie de son livre " Vivre nu "