C'est agaçant ces à-peu-près. Sans vouloir être cassant, même en haut du mont Cassin, il s'agit de Margaux Cassan.
il est notoire que chacun raconte ce qu'il veut bien raconter de son point de vue, selon ses vécus, en fonction de son environnement. Donnez le même sujet à 5 personnes, vous aurez 5 récits, 5 histoires différents.Le point de vue de Mme Cassin n'est que son point de vue, parmi d'autres.
Journée mondiale du naturisme, Margaux Cassan invitée de La Matinale de RMC
«Vêtements interdits»: un essai philosophique dévoile les dessous du naturisme
La philosophe Margaux Cassan, publie «Vivre nu», un essai autobiographique sur le naturisme, son histoire et ses pratiques
Le Domaine de Bélézy, sa ferme d’animaux, ses bungalows, sa piscine et son règlement intérieur: vêtements interdits. C’est dans ce village provençal protégé que Margaux Cassan a passé les étés de son enfance, et c’est là-bas qu’elle s’est familiarisée avec le mode de vie naturiste. Soit une sobriété choisie, l’absence de jugement et de stéréotypes, une alimentation saine et peu d’excès.
A vingt-cinq ans, inquiète de voir le naturisme se réduire à un loisir hédoniste ou récupéré à des fins commerciales, Margaux Cassan vient de publier Vivre nu. Dans cet essai autobiographique, la philosophe, déjà autrice d’une biographie de Paul Ricœur, s’appuie sur son expérience personnelle pour parler d’un sujet universel: le danger des représentations stéréotypales, l’hypersexualisation ou au contraire la censure religieuse dans notre rapport au corps et à la nudité.
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Au Monte Verita, au Mexique ou à l’île du Levant, en confrontant les textes et les personnages fondateurs du naturisme avec ses usages contemporains, Margaux Cassan mène une enquête pratique, familiale et historique. Qui l’a fait naître? Comment s’y retrouver aujourd’hui? Et surtout, pourquoi Vivre nu?
Le Temps: Vous pratiquez le naturisme depuis votre plus jeune âge. Ce mode de vie est une tradition familiale que vous racontez dans «Vivre nu». Aujourd’hui, pour vous, le naturisme est-il une manière de prolonger cet état d’enfance?
Margaux Cassan: C’est une des raisons, oui. Dans l’enfance, qu’on soit textile ou naturiste, la nudité est naturelle, joyeuse et spontanée. Adulte, elle se charge de pudeur, de honte ou de complexes. Les adultes qui découvrent le naturisme sur le tard me parlent souvent du plaisir de renouer avec une forme d’insouciance, de liberté et d’émancipation. Le cadre naturel joue beaucoup là-dedans: c’est un univers de dénuement et de sobriété qui vous rend plus attentif aux détails de l’environnement.
Le terme «textile» désigne les personnes qui ne pratiquent pas le naturisme. En tant que majorité, elle n’a pas l’habitude d’être identifiée ni de questionner ses pratiques. Là-dessus, votre essai propose une perspective différente…
Les textiles n’ont pas besoin de se donner un nom puisqu’ils représentent la norme. Or j’ai l’idée que le naturisme n’appartient pas seulement au domaine de la contre-culture, mais qu’il représente une promesse, une utopie. C’est un monde en soi qui fonctionne, sans être en défaut par rapport à d’autres. Ce qui m’intéressait en écrivant ce livre, c’était de faire de la marge un centre, pour paraphraser Bell Hooks.
Cette utopie dépasse largement la question de la nudité physique. Dans «Vivre nu», le naturisme n’est pas une fin en soi mais un point de départ vers quantité d’autres sujets et de manières d’être au monde, spirituelles, politiques ou culturelles. Pourquoi?
On associe souvent le naturisme à un loisir ou à un divertissement, alors qu’il relève d’une recherche d’égalité qui me paraît intemporelle. Pour les naturistes de la génération Mai 68, c’est une égalité entre les classes: il s’agissait de déshabiller le vêtement de sa marque d’autorité et de distinction, de faire de la nudité un uniforme. Aujourd’hui, la question des genres prend le dessus. La nudité des femmes et des hommes réunis permet de rompre avec l’approche très binaire du masculin et du féminin, de lisser les rapports de genre.
Passé un certain âge, les corps disparaissent des représentations médiatiques. Ce n’est pas le cas dans les villages naturistes où la moyenne d’âge a vieilli ces dernières années
Vous nous rappelez aussi que le naturisme ne se résume pas à une pratique estivale…
Bien sûr. Même rhabillé pour l’hiver, le naturisme reste lié à des pratiques de consommation qui proscrivent l’alcool, la viande, le sucre et les vaccins, bien que ce dernier point soit pour moi une dérive. Le sens et le sérieux du naturisme sont liés à ces habitudes. Et ce ne sont pas tant des questions d’hygiène de vie. Dans les écrits du début du XXe siècle, c’est avant tout une manière de lutter contre le capitalisme naissant, contre les industries agroalimentaire et pharmaceutique. Aujourd’hui plus que jamais, alors que la mode et la consommation de viande sont d’énormes facteurs de pollution mondiale, le naturisme est une réponse écologique qui, à mon avis, pourrait attirer davantage la jeunesse.
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Justement, vous parlez de jeunesse, mais le naturisme apparaît aussi comme une manière de lutter contre l’âgisme, soit la catégorisation et l’exclusion de certains individus selon des critères d’âge. La journaliste française Sophie Fontanel, que vous évoquez, s’est notamment faite porte-parole de cette cause…
Les grandes marques ont beau faire (avec, une fois sur 12, une publicité montrant des mannequins de 60 ans mais qui en paraissent 40), passé un certain âge, les corps disparaissent des représentations médiatiques. Ce n’est pas le cas dans les villages naturistes où la moyenne d’âge a vieilli ces dernières années. Or il me semble très important, libérateur même, d’avoir accès à ces corps ailleurs que dans des services de gériatrie. Il est évident que la diversité permet de résister à l’emprise de la norme. De fait, quand l’intermédiaire du vêtement n’est plus là pour vous dire à quelle catégorie vous appartenez, vous vous sentez libéré de ces cases.
On complexe souvent par rapport à des images de modèles médiatiques: la publicité, les réseaux sociaux. En dehors de ces représentations, on se rend compte que la nature accepte tous les corps.
Vous écrivez que le naturisme se développe mieux dans des sociétés «post-religieuses», qu’entendez-vous par là?
Il y a un phénomène d’exclusion involontaire dans les pays européens où le naturisme est principalement une pratique de Blancs sécularisés, car les populations religieuses fréquentent peu le naturisme. On ne peut pas non plus nier l’existence d’une forme d’idéal rousseauiste dans les années 1950, où les naturistes s’imaginaient vivre comme des indigènes. C’est la dérive «du bon sauvage» qui fait qu’aujourd’hui, si votre corps est noir, vous réfléchissez à deux voire trois fois avant d’aller dans un village naturiste.
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Cependant, vous faites plusieurs fois référence au protestantisme dans l’histoire du naturisme…
Je fais ce lien parce que ce n’est pas un hasard si le naturisme s’est développé dans des pays comme l’Allemagne et la Suisse, où l’on trouve une forte culture protestante. Historiquement et théologiquement, les protestants ont moins insisté sur sa séparation de l’esprit pur d’un côté, et de l’autre le corps lié à la culpabilité, à la honte.
Aujourd’hui, les gens associent beaucoup le naturisme au libertinage, mais ça n’a pas toujours été le cas…
Vous racontez notamment l’histoire d’un pasteur suisse, adepte et défenseur du naturisme…
Je ne révèle pas son identité mais en effet, c’est un pasteur et théologien suisse qui vivait à Lausanne. Bien que très impliqué dans la communauté protestante et la hiérarchie ecclésiale, il passait toutes ses vacances dans des villages naturistes. Il s’en cachait, car dans l’histoire il y a eu des naturistes chrétiens qui se sont fait excommunier. Mais en famille, pour le connaître, il racontait souvent la cohérence du naturisme qui n’était pas pour lui le mythe du bon sauvage mais celui d’Adam et Eve.
Aujourd’hui, les gens associent beaucoup le naturisme au libertinage, mais ça n’a pas toujours été le cas. Récemment, j’ai rencontré le rédacteur en chef de Playboy Magazine et, à l’évocation du naturisme, il s’est exclamé: «Ah! Ces puritains!» En vérité, il n’a pas tort. Le naturisme est l’ennemi des religions, mais les naturistes sont tellement obsédés par l’idée de vider la nudité de sa charge sexuelle que c’est tout à fait compatible avec la religion.
Quel conseil donneriez-vous à un néo-naturiste?
On me pose souvent cette question et j’ai du mal à y répondre. Je dirais simplement que si le blocage est lié à la peur d’être regardé, cela ne devrait pas vous arrêter! Il y a quelque chose de très agréable à sentir les regards passer sur soi. Surtout quand on vit avec son téléphone et qu’on a l’habitude de tout immortaliser. Dans la société textile, nous sommes devenus les paparazzis de nous-mêmes et des autres, ce qui crée une forme de mise en scène et d’autocensure permanentes. Ça n’existe pas dans les villages naturistes, et c’est une vraie libération.
«Vivre nu», Margaux Cassan, Ed. Grasset, 216 pages.
Ce n’est pas le cas dans les villages naturistes où la moyenne d’âge a vieilli ces dernières années.
Aujourd’hui, les gens associent beaucoup le naturisme au libertinage, mais ça n’a pas toujours été le cas…
Ces deux importantes remarques de l'auteur, indiquent qu'il y a eu un tournant dans le naturisme, que , personnellement, je situerai vers la fin des années 90.
si ça continue dans la même direction, on aura tous les ingrédients pour que :
vieillissement + libertinage + nudisme démonstratif = déclin inexorable du naturisme
https://www.youtube.com/live/9Sa02R8yY08?feature=share
1H de débats avec margaux Cassan et des naturistes et non naturistes
Cette heure de débat sur le naturisme aurait été très intéressante, sauf que le son n'était pas en valeur par rapport, entre chaque participant qui prenait la parole; dans ces conditions très difficile de comprendre les questions suivies des réponses ?
Article dans Marianne:


LE MIDI LIBRE/PHOTOPQR
"Margaux Cassan : "Le caractère écologique du naturisme est une évidence"
Grand entretien du jeudi
Publié le 29/06/2023 à 16:00
Dans « Vivre nu » (Grasset), Margaux Cassan, philosophe et écrivain, autrice d’une biographie critique de Ricoeur en 2021, nous raconte sa jeunesse dans le milieu naturiste, au village de Bélézy. Elle y revient sur la genèse, au XIXesiècle, de ce mouvement alors anticapitaliste et offre une réflexion sur notre rapport au corps et à la nature. À « Marianne », elle dévoile les ressorts et l’éthique d’un univers très peu connu du grand public.
Marianne : Votre livre se présente comme le témoignage de votre vie, marquée par le naturisme, mais davantage encore comme un écrit qui le documente. Comment est né le naturisme ?
Margaux Cassan : Il naît à la fin du XIXe siècle, dans une période où le capitalisme industriel a pris de l’ampleur, d’une rencontre entre deux mouvements qui le contestaient, la médecine alternative d’une part et les communautés anarchistes de l’autre. Les premiers dénonçaient une industrie pharmaceutique propre à financiariser la médecine, les seconds une aliénation des hommes par le travail. Ils se sont unis et ont fondé les premières communautés naturistes.
Comment, sur cette base anticapitaliste, on en arrive à se dévêtir ?
La valeur première de l’anticapitalisme à l’origine du naturisme est l’égalité, et la nudité a été pensée comme son vecteur. Elle agit comme un uniforme, quelque chose qui permet d’évincer la violence sociale née de la confrontation dans le rapport de classes. Ainsi – du moins de manière utopique et théorique – peuvent cohabiter chefs d’entreprise et ouvriers. Mais l’on se dé
shabille assez tard, environ 30 ou 40 ans après les débuts du mouvement. D’abord, les naturistes se dévêtent pour rester en petite tenue de gymnastique blanche. Ce n’est que dans un second temps qu’ils seront entièrement nus. La nudité n’est donc qu’une des facettes du mouvement.
Quelle est la différence entre le nudisme et le naturisme ?
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Le Devoir (Québec):
https://www.ledevoir.com/lire/793932/coup-d-essai-nue-et-culottee
Nue et culottée


« Mon enfance, je l’ai passée nue, entourée de corps nus. […] Dans la joie simple de sentir l’herbe jaunie griffer mes chevilles ; le soleil brûlant tomber sur mon nombril à midi ; la brise du soir sécher mes cheveux encore humides et caresser mon dos. »
Chaque été, Margaux Cassan rejoignait son oncle et sa tante, un couple d’enseignants soixante-huitards, à Bélézy, un domaine naturiste au pied du mont Ventoux, dans le sud de la France.
La jeune femme raconte et approfondit cette expérience dans Vivre nu, une enquête familiale et historique sur les origines et l’esprit du naturisme. Depuis ce petit paradis d’enfance et de nature du Vaucluse où elle passait ses étés, jusqu’à l’île du Levant dans l’archipel des îles d’Hyères — qu’elle s’est mise à fréquenter plus récemment —, son livre est une incursion dans un univers méconnu, une réflexion sur la nudité en plus d’une profession de foi à la tonalité très personnelle.
« C’était une pratique que je n’avais pas tellement intellectualisée jusqu’à ce que le village de Bélézy, que je décris dans mon livre, soit racheté par un grand groupe il y a deux ans », confie l’écrivaine et philosophe âgée de 25 ans. Après des études de littérature et de philosophie, elle a publié en 2021 une biographie critique du philosophe français Paul Ricoeur, et travaille depuis quelques années comme conseillère en communication.
« Avec le rachat de ce lieu, je me suis rendu compte que les espaces où il est possible d’être naturiste étaient en train de se réduire et que, souvent, ce genre de récits meurent de ne pas être racontés. Ce qui m’intéresse beaucoup, par exemple, dans le judaïsme, c’est la capacité qu’ont les fidèles à raconter une histoire, des légendes. C’est ce qui permet, même quand on est une minorité, d’avoir une forme de pérennité. »
À ses yeux, le naturisme est un mouvement qui comprend plein de choses, le végétarisme, le féminisme, le rapport au corps, le rapport aux autres, à l’égalité, et Margaux Cassan avait l’impression qu’il lui manquait une forme de récit collectif. « Il fallait raconter pour ne pas que ça meure, tout simplement. »
Raconter les balbutiements du naturisme, depuis les premiers hygiénistes, adeptes de la cure d’eau comme le prêtre allemand Sebastian Kneipp (1821-1897). Évoquer « l’accointance » entre naturisme et ésotérisme. Ou comment le naturisme s’est répandu dans certaines communautés libres formées par les anarchistes au début du XXe siècle.
Nudisme et naturisme : la distinction
Dans Vivre nu, on découvre aussi que les origines du naturisme sont aussi très françaises. Attribuable à la tradition séculaire du pays, contrairement à la plupart de ses voisins méditerranéens ? « Pas françaises, je dirais, mais issue de l’Europe protestante. Je pense que la France est un pays d’Europe du Nord. D’ailleurs, ça se voit, puisque le naturisme est un mouvement suisse, allemand et français. Plongés dans la culture catholique, qui a beaucoup accentué la séparation du corps et de l’esprit, les pays méditerranéens ont un rapport au corps différent. »
Et le naturisme n’est pas la même chose que le nudisme, rappelle Margaux Cassan, qui souligne que nous avons du mal, dans nos sociétés, à distinguer la nudité de la sexualité. Se baigner nu à l’occasion ou manifester dans le plus simple appareil contre la fourrure animale relèvent plutôt du nudisme.
« Pour moi, le naturisme ne peut exister que s’il est une nudité collective, avec la notion de communauté et d’espace naturel comme lieu de vie. » Le naturisme désigne à la fois une pratique et une doctrine. Mais c’est aussi un mode de vie. « Vous ne pouvez pas être naturiste juste parce que vous vous mettez nu une semaine par an. Vous êtes naturiste parce que vous avez une certaine façon de consommer, ou de ne pas consommer, une certaine façon de voyager, de penser. »
Une « vie choisie », croit Margaux Cassan, une expérience de la sobriété. Mais aussi, mine de rien, un pas de côté par rapport au capitalisme industriel.
Si le mouvement naturiste s’est dépolitisé à mesure qu’il est devenu un loisir, que reste-t-il de l’anarchisme ? « Peut-être la contre-culture, estime Margaux Cassan. À savoir le refus de se plier aux institutions telles qu’elles existent aujourd’hui. Le simple fait de proposer une alternative et une utopie, qui n’est pas juste une utopie théorique, mais une utopie pratique avec des lieux, ça relève de l’anarchisme. » Et comme dans l’anarchisme, fait-elle aussi remarquer, le milieu associatif y est encore très peu hiérarchique, n’ayant pour ainsi dire pas de chef de file.
Se libérer du regard des autres
Le naturisme est un mode de vie, rappelle Margaux Cassan, qui se vit toute l’année, même lorsque l’été n’est plus qu’un souvenir et que le climat force chacun à se rhabiller. « Ça implique de voyager localement, souvent en famille, de manger peu de viande et de boire peu ou pas du tout d’alcool. L’égalité hommes-femmes est aussi présente dans le naturisme depuis 120 ans. #MeeToo, par exemple, n’est pas du tout une révolution dans les villages naturistes, c’est un acquis de toujours. »
Quand vous êtes un homme et que vous êtes nu, vous êtes dans un état de vulnérabilité qui ressemble beaucoup à celui de la femme dans la vie de tous les jours.
Si l’expérience naturiste est parfois, aussi, « l’accomplissement d’une transgression » ou la réalisation d’un fantasme de liberté sauvage à la Robinson Crusoé, elle est aussi une façon, paradoxalement, de se libérer du regard des autres, croit-elle.
Ainsi, en retirant ses vêtements, Margaux Cassan raconte dans son livre avoir découvert que l’homme, dans son état de nature, « n’était un danger pour personne », avant d’ajouter, avec une pointe de malice, que les hommes « sont des femmes comme les autres ».
« C’est-à-dire que, quand vous êtes un homme et que vous êtes nu, vous êtes dans un état de vulnérabilité qui ressemble beaucoup à celui de la femme dans la vie de tous les jours. Une vulnérabilité, bien sûr au sens positif, qui crée un rapport d’égalité forcée et permet des rapports beaucoup plus fluides. »
Et sans vêtements pour faire autorité, les différences de richesse, d’âge ou de classe sociale tendent à s’envoler elles aussi au sein des communautés naturistes.
La nudité serait un formidable égalisateur. Et un excellent remède contre l’âgisme dans nos sociétés, croit-elle, où nous avons souvent tendance à considérer qu’à partir du moment où on n’est plus dans le monde du travail, on devient un citoyen de seconde zone. « Comme les villages naturistes ont plutôt tendance à être vieillissants, c’est un égalisateur et c’est aussi une forme de revanche des invisibles que je trouve géniale. »
RTBF:
https://www.rtbf.be/article/vivre-nu-plongee-dans-lunivers-meconnu-du-naturisme-11223440
"Vivre nu" : plongée dans l’univers méconnu du naturisme
Peut-être allez-vous profiter de l’été pour vous débarrasser de vos vêtements, revenir à l’essentiel et vivre en commun avec la nature, comme un demi-million de Belges ? Dans son livre 'Vivre nu', la philosophe et autrice Margaux Cassan raconte l’histoire de son enfance heureuse dans un village naturiste du Vaucluse et retrace l’histoire du naturisme, les valeurs égalitaires qu’il prône, loin des préjugés qu’il véhicule.
Vivre nu est paru aux éditions Grasset.
En France, le naturisme a beaucoup été associé à mai 68 et à la libération sexuelle. Margaux Cassan voulait rappeler que le naturisme est en fait un mouvement politique qui remonte à la contestation du capitalisme industriel, à la fin du 19e siècle, début du 20e siècle, et à la rencontre un peu cocasse entre les débuts de la médecine alternative et l’anarchisme politique.
Aujourd’hui, le naturisme implique toujours ces deux éléments, et c’est ce qui le distingue d’autres courants comme le nudisme. C’est-à-dire d’une part, il y a la présence de l’élément naturel et d’autre part, le positionnement politique et la place de la communauté, explique-t-elle.
"Donc, si vous êtes nu tout seul, vous ne pouvez pas vous revendiquer naturiste."
Naturisme / nudisme
Les préjugés se basent sur la confusion qui existe entre le naturisme et le nudisme, explique Margaux Cassan.
Le naturisme, c’est vivre nu dans un environnement naturel et avec une communauté. La nudité n’est qu’un élément parmi d’autres d’un mode de vie basé sur une culture de la sobriété, de la non-consommation, que ce soit pour les vêtements, mais aussi pour la consommation excessive d’alcool, de tabac, de viande…
Dès que la nudité est en dehors de ce cadre-là, on parle de nudisme. Le nudisme regroupe plusieurs réalités : les Femen, par exemple, qui se déshabillent dans la rue pour une revendication politique. Ou si vous vous mettez nu dans votre jardin pour bronzer à l’abri des regards. Ou encore si vous avez des pratiques de nudité collective à vocation sexuelle, comme l’échangisme ou le libertinage.
"Le nudisme, c’est tout ce qui n’a pas d’implication collective et naturelle."
Comment se passent l’acceptation de son propre corps et le rapport au corps des autres ?
Le naturisme est un mode de vie global, avec du sport le matin, du sauna en fin de journée. Les pratiques sont rythmées, toujours en communion.
Dès sa petite enfance, la nudité des autres est apparue assez naturelle à Margaux Cassan qui passe ses vacances en village naturiste. La place du regard est beaucoup moins importante, ce qui rend le rapport au corps beaucoup plus sain, plus libre, et ce qui permet plus facilement de s’accepter, explique-t-elle.
Aujourd’hui, on se regarde énormément, et plus encore depuis les réseaux sociaux. Dans un village naturiste, les sens se rééquilibrent, le regard perd un peu de sa place par rapport au toucher, à l’ouïe. C’est un corps qui vit et qui éprouve. Les complexes que l’on peut avoir et les projections que l’on fait sur les autres s’effacent.
"La nudité comme lisseur social et comme espèce d’uniforme fonctionne très bien. Quand vous êtes nu et que les autres sont habillés, tout le monde vous regarde. Mais si vous êtes nu au milieu d’un groupe où tout le monde l’est, il y a une forme de fonte dans le collectif."
A l’adolescence, les choses se compliquent toutefois un peu. C’est une expérience que connaissent pratiquement tous les naturistes. Pendant l’adolescence, ils arrêtent généralement d’y aller. La charte naturiste permet d’ailleurs aux adolescents de rester couverts pendant cette période de transition.
"C’est là que viennent les complexes et c’est là aussi que peut apparaître la réduction de son propre corps à un élément sexuel, qui n’est pas du tout présent dans l’enfance."
L’égalité à divers niveaux
La valeur première défendue par mai 68 était la notion de liberté, alors que chez les naturistes, la notion de mutualisme et donc d’égalité est beaucoup plus présente, explique Margaux Cassan.
La nudité n’est pas une nudité gratuite. Dès le départ, son rôle est de créer une forme de lisseur social, avec l’idée utopique que pouvaient cohabiter un ouvrier et un bourgeois, puisqu’il n’y avait pas le vêtement qui faisait autorité et qui permettait de les distinguer. La notion d’égalité des corps est aussi très présente.
La nudité est un lisseur de différences sociales, mais aussi entre les sexes. L’homme nu a finalement moins de puissance que l’homme habillé, observe Margaux Cassan.
Les communautés naturistes n’ont pas attendu #MeToo pour être féministes. C’est un féminisme non revendiqué, c’est un féminisme naturel associé au fait que quand vous déshabillez un homme, il devient très vulnérable.
Faisant l’expérience de sa vulnérabilité, l’homme a peut-être plus d’empathie vis-à-vis de l’expérience que peuvent avoir les femmes, a pu constater Margaux Cassan tous les étés, dans les villages naturistes.
La contre-culture que représente le naturisme s’exerce aussi au niveau de l’âge, dans notre société où les aînés sont souvent invisibilisés. Dans les villages naturistes, ce sont les seniors qui sont seigneurs, qui sont les plus présents, les plus visibles, qui ont une voix. De ce fait, ils s’acceptent mieux.
Quel avenir pour le naturisme ?
Le naturisme dans sa forme traditionnelle, tel que l’a connu Margaux Cassan, a changé.
Le meilleur moyen de le faire renaître est d’insister sur le caractère profondément écologique du mouvement naturiste à sa racine, avec sa culture de la sobriété qu’il faut pouvoir décrire, défendre et qui peut intéresser les jeunes, souligne-t-elle.
Ce matin, Margaux Cassan est sur France Inter dans l'émission Sous le soleil de Platon, la question abordée est "faut-il vivre nu pour enfin vivre ensemble ?" :
Extrait de la présentation de l'émission : "Si le nudisme est souvent un exhibitionnisme, le naturisme est une philosophie de la vie, un projet de société écologique... Qu’a-t-elle découvert, le jour où elle s’est retrouvée sans culotte sur une plage naturiste ? Une possibilité inédite d’être au monde, la possibilité, enfin retrouvée, de se fondre dans le grand tout, dans l’amitié du soleil et du vent. Une autre forme de puissance"
J'ai lu le livre en entier. Malgré le fait qu'elle est une voisine (Les Trois Garçons, c'est en bas de chez moi), le livre m'a énervé. On lutte tous les jours pour se débarrasser de cette image poissarde de, disons les mots, sexualité, et elle va raconter qu'elle fréquente des bars échangistes au Levant. Tout en expliquant lourdement, et sans style littéraire particulier, ce qui est étonnant chez Grasset, que, bon quand même, il ne faut pas se voiler la face, on se regarde quand même un peu dans les campings. Bah flûte !