Cet article sordide de la "République du Centre" va faire très mal pour la réputation du naturisme.
La FFN va devoir se sortir la tête du sable.
Un dimanche caniculaire de fin juillet, La Rep’ a arpenté la plage la plus confidentielle et chaude qui soit dans la région, celle se couchant contre la Loire, derrière la levée de Sandillon. Là, face aux bancs de sable constellés de volatiles, on a rencontré d'autres drôles d'oiseaux, souvent venus chercher les vertiges du sexe.
Pour tout vous dire, il y eut une première tentative de se rendre sur la fameuse plage libertine en juillet. Un naufrage. Enfin, pas tout à fait…
Ce vendredi-là, deux octogénaires portant casquettes squattent l’entrée de la levée de Saint-Denis-en-Val, à la pointe est du Parc de Loire ; elle s’étire sous un ciel à l’orage le long du fleuve comme un immense serpent de bitume filant vers Sandillon.
Parfois incroyable : trois mariniers du Loiret nous racontent leur jour le plus dingue sur la Loire !
La route est aujourd’hui fermée aux véhicules, nous apprennent-ils. Elle ne l’était pas en 2014 lors de notre dernier reportage sur l’étonnante plage où tout semble permis, décrite, à l’époque, comme "un lieu de drague" à ciel ouvert, un petit Cap d’Agde (lire ci-dessous) à quinze minutes d’Orléans.
Les octogénaires sont bien renseignés, les libertins (mais pas que…) viennent toujours y poser leurs serviettes, en toute illégalité (car oui, l’exhibitionnisme sur la voie publique est bien puni par la loi). "Faut continuer à pied, la plage est à deux kilomètres, mais ça sert à rien d’y aller aujourd’hui, y a jamais personne quand il fait moche."
"Des fois, il y a des mecs qui font ça à plusieurs"
Papi, son surnom, nous en apprend encore : "On y va depuis des années pour bronzer et pour mater aussi. L’autre jour, un type tenait sa copine en laisse, ça ne les gênait pas qu’on regarde. Des fois, il y a des mecs qui font ça à plusieurs."
Pas de doute, la plage est toujours en service, au grand dam, semble-t-il, des autorités compétentes : elles ont eu beau interdire aux véhicules la levée conduisant à ses réjouissances ("Oh, y a bien deux ans de ça"), rien n’y fait, la plage tient bon face au clocher de Chécy pointant sur la rive d’en face.
En ce vendredi, on eut été inspiré de s’en remettre à l’expertise de nos surprenants aînés aux mots semblant trahir une nostalgie, d’aucuns diront, la frustration derrière la libido qui résiste : "Pour nous, le sexe, c’est foutu, on vient juste pour le plaisir des yeux." On ne les a pas écoutés, on a marché sous l’orage jusqu’à la plage, elle était déserte. On en avait cependant trop entendu pour ne pas revenir, le journaliste reste un animal curieux.
Un vrai pique-assiette ce coquillage ! Mais qui est l'exotique corbicule qui se croit chez elle dans la Loire ?
Stationnement interdit
Nous y revoilà donc, cette fois un dimanche, et il fait beau. Un vrai cagnard même : 34 degrés. En somme, les conditions climatiques idéales, ça sent bon la plage sous pavillon vert. Respectueux des lois en vigueur dans le secteur, on se gare à l’entrée de la levée (près du club de kayak ) que l’on va à nouveau devoir arpenter à pied.
Seuls sont désormais autorisés dessus les cyclotouristes de La Loire à vélo. Et pourtant, en progressant sur la digue brûlante, on aperçoit déjà au loin les voitures stationnées devant la plage.
Malgré l’interdiction de la levée aux véhicules, l’appel de la plage semble l’emporter sur la peur du gendarme et de la contravention. Photo : David Creff
On en comptera une grosse vingtaine une fois à leur hauteur, leurs propriétaires (souvent immatriculés dans des départements limitrophes) n’ont pas dû voir le panneau. À moins que la fainéantise ne l’emporte sur la peur du gendarme, toujours susceptible de verbaliser, comme nous l’ont aussi rapporté nos deux octogénaires.
"Un p’tit coin tranquille où on peut se baigner à oualpé"
L’immense langue de sable se couche par-delà la végétation préservant des regards indiscrets. Devant coule une Loire épuisée, comme étouffant sous les bancs constellés d’oiseaux. Une barrière rouillée flanquée d’une pancarte de fortune "Propriété privée" tente d’interdire l’accès au petit chemin y menant. Il est 15h30 quand nous nous y engageons.
Précisons, pour qui n’a jamais fréquenté ce type d’endroit, que la démarche de s’y rendre n’est pas commode. Là-bas, le simple port du bermuda ou du maillot de bain est de nature à faire de vous un extraterrestre.
Passés les bois, apparaissent les premiers "garçons de la plage" dans le plus simple appareil. Parmi eux, des visages familiers, près des serviettes et vélos contre les arbres : nos deux octogénaires s’offrant un dimanche "de bronzette" sur le sable mou.
Le discours a changé, devant les autres, ils nient avoir jamais évoqué rapports sexuels en groupes et scènes de soumission sur la plage. Ils y côtoient, ce jour-là, cet autre senior que tout le monde ici surnomme le Bûcheron, "parce que je ramasse le bois charrié l’hiver par la Loire pour le brûler chez moi". Le Bûcheron fréquente le site depuis 29 ans, "c’est un p’tit coin tranquille où on peut se baigner à oualpé (à poil, NDLR)". Et nourrir les frétillants alvins… Le Bûcheron, qui semble tenter de noyer le poisson quant à ses motivations réelles, exhibe aussi un pochon rempli de mie de pain.
Sur l'immense plage se mêlent notamment purs naturistes et libertins, eux, à la recherche du frisson, de l'aventure sexuelle.
"Ce n’est plus un lieu libertin..."
L’un de ses voisins de serviette, affilié, lui, à la Fédération française de naturisme, voit d’un mauvais œil la présence de la presse sur la plage. Dans son souvenir, un article paru voici quelques années lui avait fait une mauvaise publicité, "l’avait sali". Tel le portier de boîte de nuit, il demande à voir notre carte de presse, avant de se radoucir. "Moi, je viens ici pour bronzer tout nu, ce n’est plus un lieu libertin, c’est du fantasme ça."
Un événement va pourtant le contredire : un aîné vient de repérer un couple ouvrant son parasol au bord de l’eau. Il donne l’alerte ("venez voir"), ses collègues filent se rincer l’œil.
Colère sous parasol
Il est 16h30. Nous nous portons près du couple au parasol. Dessous, Madame tonne :
Je ne sais pas pourquoi je continue de venir ici, ça me dégoûte de me faire mater par des vieux cochons.
Boris le pur naturiste, son compagnon, confie venir depuis trente ans. "Ici, il y a des bi (sexuels), des homos, des hétéros…, on est tous tolérants, mais jusqu’à un certain point, on n’est pas non plus du bétail !" Il a déjà été témoin "de rapports sexuels, de partouzes, mais faut venir un paquet de fois avant de tomber dessus, il y a beaucoup de fantasmes autour de la plage".
Et aussi un enfumage, celui du barbecue que de jeunes tapageurs en maillots de bain viennent d’allumer au bord de l’eau. Un peu provoc’...
À l’est, en remontant la Loire, se trouve la partie fréquentée par les homos. Le quadra Marc dit venir y chercher "le silence et la liberté d’être nu sans jugement. Les rencontres sont rares, mais elles peuvent arriver. Parfois, on ne fait que discuter, parfois un peu plus".
Ses mots sont maintenant couverts par des sifflets semblant provenir des bois. Le son signifiant qu’on est à la recherche d’un partenaire ? Il ne sait pas, "c’est la première fois que j’entends ça". Reste, selon Marc, que tout le monde sur la plage se pose la question de sa légalité. Lui avance la thèse "d’une tolérance des autorités", il n’a jamais croisé de gendarmes.
"Je trompe un peu ma femme"
Fanfan et sa copine offrent leurs intimes caresses à la vue de tous, pour l’essentiel cet après-midi-là, des hommes naviguant nus sur la plage torride à la recherche d’un ou d’une partenaire. Photo : David Creff
En repartant, nous tombons sur Fanfan, 75 ans. Il est avec sa copine sur la serviette et ne s’en cache pas : "Je trompe un peu ma femme." Fanfan aime "le naturisme, la sensualité et la sexualité, la majorité des gens viennent ici pour le sexe. Je suis aussi là pour m’exhiber devant les mecs".
Et il en passe devant leurs intimes caresses… Plutôt des pas très jeunes, la moyenne d’âge, ce dimanche, sur la plage, doit flirter avec les 60-70 ans. Ce qui fait dire à certains habitués un peu fatalistes qu’elle finira un jour par s’éteindre d’elle-même.
"Sea, sex and sun". Sans grande surprise, on a croisé, ce dimanche-là, sur la plage de Sandillon, des libertins habitués du Cap d’Agde (Hérault).
Pour mémoire, il s’agit d’une station balnéaire dont la construction a débuté dans les années 1970 et qui, très vite, s’est distinguée de la concurrence grâce à son village naturiste, devenu, depuis, l’un des plus importants au monde, le premier d’Europe en matière de capacité d’accueil (hôtels, résidences de tourisme…). Cependant, au fil des années, l’esprit libertin a fini par supplanter la philosophie originelle, chassant de fait de la ville méditerranéenne les naturistes ne s’y retrouvant plus. Aujourd’hui, le libertinage s’y pratique de façon débridée, certes au cœur du village dit "naturiste", mais aussi sur certaines plages à vocation pourtant familiale.
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"Nous avons d’autres soucis à gérer à Sandillon", indique le maire
Existe-t-il une forme de tolérance quant à ce genre de pratique sur cette plage publique, pas si secrète, située entre Saint-Denis-en-Val et Sandillon ?
Le maire sandillonnais, justement, la localise "à la limite des deux communes". Pascal Juteau a déjà entendu parler de ce lieu de liberté, même s’il "ne connaît pas cette plage personnellement", indique l’édile avec humour. "Nous avons d’autres soucis à gérer dans la commune. La lutte contre les dépôts sauvages et les excès de vitesse sont nos deux priorités".
Avec un seul agent de police municipale, difficile pour la commune de se focaliser sur ce lieu en été, quand le soleil réveille les envies. "Cela ne fait pas partie des préoccupations des administrés", souligne Pascal Juteau.
Marie-Philippe Lubet, maire de la commune voisine de Saint-Denis-en-Val estime que "la plage se trouve sur le territoire de Sandillon". "Il n’y a pas eu de grosses plaintes des administrés sur ce sujet, c’est un lieu qui existe depuis plusieurs années", poursuit l’élue.
Les cyclotouristes du parcours La Loire à vélo, qui croisent le long de la plage libertine, ignorent, pour la plupart, son existence, malgré les nombreuses voitures stationnées au bord de la route cyclable. "Par le passé, le stationnement a pu être anarchique et la police municipale est intervenue à plusieurs reprises pour verbaliser. Mais elle ne s’est jamais aventurée sur la plage, car le chemin est tortueux", achève Marie-Philippe Lubet.
Du côté des gendarmes, aucun signalement du lieu n’apparaît dans les dossiers de la compagnie d’Orléans, nous indique-t-on. Même, "la gendarmerie du Loiret n’a pas connaissance de cette plage libertine".
De la prévention sur la plage. Le Groupe action gay et lesbien Orléans-Loiret (GAGL 45) intervient régulièrement sur la plage de Sandillon pour y faire de la prévention. "L’approche est bienveillante. Nous ne sommes pas là pour juger les gens", prévient Ralph Souchet, vice-président de l’association défendant les droits des personnes LGBT+. Distribution de préservatifs ou encore informations sur les maladies sexuellement transmissibles sont autant de missions gérées par l’association. L’organisme réalise aussi de la prévention sur la variole du singe. "Parfois, certaines personnes ne sont pas au courant de tout", poursuit le représentant de l’association. Sur la base du volontariat, des dépistages sont réalisés au centre LGBT. "Le TROD (Test rapide d’orientation diagnostique) permet de savoir si l’on a été en contact avec une personne séropositive au cours des trois derniers mois", souligne le représentant associatif.
David Creff et Nicolas Bontron