Ministre de la Culture du très conservateur gouvernement de Benyamin Netanyahou, Miri Regev veut supprimer les subventions du Festival d'Israël. La raison ? Deux spectacles comportant des scènes de nudité...
Moins d'un mois après une montée des marches remarquée au Festival de Cannes, dans une robe « politique » arborant notamment le Dôme du Rocher de Jérusalem, Miri Regev a encore frappé. A la veille de l'ouverture du 56e Festival d'Israël (du 1er au 18 juin), la tonitruante ministre israélienne de la Culture et des Sports, a menacé de tailler dans les subventions publiques accordées au plus grand évènement interdisciplinaire de l'Etat hébreu, au motif qu'il met à l'affiche deux spectacles comportant des scènes de nudité.
A en croire cette ministre du Likoud (droite), les pièces Que ferai-je, moi, de cette épée ?, de l'artiste espagnole Angélica Liddell, et Pindorama, de la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues, « portent atteinte aux valeurs fondamentales d'Israël en tant qu'Etat juif et démocratique ». En dépit de ces menaces, le Festival, qui reçoit 20% de son budget du ministère, a fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de modifier sa programmation. Et que l'argent public servait précisément « à proposer la matière la plus originale, contemporaine, innovante, audacieuse, en se fondant sur des considérations purement artistiques ».
Ce n'est pas la première fois que la ministre, ancienne porte-parole de l'armée et chargée de la censure, menace de geler le financement public d'institutions qui déplaisent à sa moralité. Depuis sa nomination en mai 2015 dans le gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël, la confrontation est continue entre Miri Regev et les milieux artistiques. Dans son collimateur, les scènes de nudité mais aussi les créations « délégitimant Israël ou son armée ».
Il y a quelques jours, elle se félicitait ainsi de la déprogrammation de la pièce Prisonniers de l'Occupation de la prochaine édition du Festival du théâtre alternatif de Saint-Jean d'Acre, une mesure ayant provoqué la démission de son directeur artistique, et le désistement de sept auteurs de théâtre déjà sélectionnés. « Il y a tellement d'histoires fascinantes à raconter ici, a justifié Miri Regev, et le seul sujet qui intéresse les artistes israéliens est celui de l'Occupation ([NDLR : des Territoires palestiniens]. Enough is enough. ».
Pilier de la scène artistique israélienne, le metteur en scène et acteur Oded Kotler (1), qui a cofondé le grand rendez-vous du théâtre « fringe » d'Acre (en 1981), dirigé le théâtre de Haïfa, tout comme le Festival d'Israël (de 1985 à 1990), estime pour sa part que la Culture ne doit pas se mêler de contenus. Tout juste octogénaire, il n'a rien perdu de sa verve et de sa pugnacité pour dénoncer les nouveaux habits de cette guerre culturelle, version Miri Regev.
Miri Regev ne rate pas une occasion de s'en prendre au milieu culturel israélien : un esprit de confrontation inédit ?
En Israël, on assiste depuis des années - et ce, quelque soit le parti au pouvoir - à une recherche de consensus sur les grandes questions nationales. Nos leaders le souhaitent et cela répond aussi à un besoin collectif, lié à l'histoire douloureuse qu'a traversé le peuple juif. Miri Regev n'est pas la seule politicienne à exploiter cette faiblesse, mais elle le fait avec un certain brio. Son agenda est assez primaire : les artistes israéliens de gauche appartiennent au camp « des traitres », « des ennemis », « ils ne parlent que d'Occupation », etc. Donc il faut les réprimander et si possible, leur couper les vivres.
Un ministre de la Culture n'a pas pour vocation de représenter une communauté."
Native de Kiryat Gat (au sud d'Israël), la ministre assure que la culture du pays est monopolisée par une élite ashkénaze et tel-avivienne... Cette rhétorique est-elle dénuée de fondement ?
C'est un fait : les premières vagues d'immigration - avant même la création de l'Etat hébreu - ont concerné des communautés ashkénazes et les meilleurs postes leur sont revenus. L'arrivée des Juifs orientaux, de culture arabe et relégués dans les villes de développement, a produit une seconde génération d'immigrants ayant souffert de discriminations. Mais cette réalité est devenue un outil de promotion de carrière pour la classe politique, de Menahem Begin à Miri Regev. Or un ministre de la Culture n'a pas pour vocation de représenter une communauté. Tout comme de manière fondamentale, la Culture ne doit pas se mêler de contenus.
L'offensive de Miri Regev contre le Festival d'Israël menace-t-elle la liberté d'expression ?
C'est naturellement problématique de s'en prendre aux spectacles comportant des scènes de nudité. Le nu a toujours fait partie de l'art. Face à la Chapelle Sixtine, Miri Regev va-t-elle s'exclamer : « Cut the phallus ! » comme elle nous asséné voilà un an son célèbre « Cut the bullshit » ? Son rôle n'est pas de décréter si tel spectacle est bon ou mauvais. Certes la ville de Jérusalem abrite un public plutôt conservateur, mais il s'agit d'un public informé qui a la liberté de choisir d'assister ou non à ces représentations. Tandis que la liberté d'expression, elle, doit rester totale.
L'attitude de la ministre est-elle de nature à favoriser l'autocensure ?
(1) Oded Kotler a reçu le Prix d'interprétation masculine en 1967 au Festival de Cannes, pour son rôle dans Trois jours et un Enfant, du cinéaste Uri Zohar.
La déprogrammation de la pièce Prisonniers de l'Occupation du Festival du théâtre alternatif de Saint-Jean d'Acre, une manifestation que j'ai cofondée, en offre un exemple malheureux. Le sujet est retors car d'une manière générale, les théâtres israéliens ne reçoivent pas assez de subsides publics. La plupart d'entre eux doivent opter pour un nivellement par le bas, et programmer des oeuvres populaires afin d'équilibrer leurs budgets. C'est le résultat d'une politique culturelle défaillante qui dure depuis des générations. Mais l'agressivité de Miri Regev étant hors norme, il est très important de lui tenir tête. Mon ami Amos Oz, le grand écrivain israélien, m'a reproché de fulminer haut et fort contre la ministre. Il m'a dit en substance : en faisant cela, tu la renforces ! De fait, Miri Regev a besoin de nous, les artistes récalcitrants, pour augmenter sa cote de popularité. Raison de plus, selon moi, pour continuer à élever la voix et à lui dire non...
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Ce qui me surprend toujours, c'est le mépris de ce type de personnalités pour ses administrés.
Ne sont-ils pas adultes et capables de gérer eux mêmes leurs choix ?
Reste à lancer une pétition pour refuser de subventionner le salaire de cette dame étriquée de coeur et d'esprit.
Ce qui me surprend toujours, c'est le mépris de ce type de personnalités pour ses administrés.
Ne sont-ils pas adultes et capables de gérer eux mêmes leurs choix ?
Reste à lancer une pétition pour refuser de subventionner le salaire de cette dame étriquée de coeur et d'esprit.
Tu sais, le jour où les religions et les croyants cesseront de vouloir se mêler de ce que les gens font de leurs fesses, l'humanité aura franchi un grand pas.
Vraiment, le corps, la nudité, la sexualité, ça les obsède.