Seins, sexes et fesses, quelle différence faire entre la nudité et le nu ? De Vénus aux prostituées, de la sculpture à la peinture, les représentations féminines sont souvent dénudées… Mais dans quelles positions ? Pour quels messages ?
- Claire Maingon Historienne de l'art
Des fesses, des sexes, des seins, que serait donc l’art occidental sans tous ces corps dénudés ?
Vous n’avez jamais été frappés ? Des sculptures antiques aux photographies érotiques, pourquoi autant de nus, pourquoi autant de culs ?
Comme si le regard ne pouvait pas s’en passer, comme s’il devait forcément déshabiller pour voir ou désirer…
Nu et nudité : du pareil au même ?
“Le nu et la nudité ne sont pas des synonymes mais des traditions artistiques qui coexistent. Le nu correspond à la codification idéalisée du corps, présente dès l’Antiquité classique, et renvoie à la beauté au sens moral et esthétique, non à la sexualité. Historiquement, le nu s’appuie sur des figures héroïques souvent masculines. L’autre penchant du nu est la nudité, c’est-à-dire, la représentation du corps charnel, trivial, érotique. Bien entendu, les deux concepts sont poreux ce sur quoi ont beaucoup joué les artistes pour faire passer de l’érotisme sous couvert d’un nu idéal.” Claire Maingon
L'Hermaphrodite Endormi : un érotisme couvert d'idéal
“L’hermaphrodite est peut-être le plus beau corps car on le trouve rarement dans la nature. Par cette idée, Joachim Winckelmann exprime la beauté comme une invention. On ne produit pas des modèles réalistes, ou que l’on pourrait recopier. La sculpture de l’Antiquité classique, L'Hermaphrodite Endormi, est retrouvée au XVIIème siècle et placée au musée du Louvre. L’artiste et les exposants souhaitaient préserver la surprise du pénis en érection caché derrière les hanches de femme.” Claire Maingon
François Boucher et la peinture de boudoir : le XVIIIème, siècle de l'érotisme
“François Boucher est un peintre libertin, emblème du style rococo. Il travaille pour Louis XV, dont le règne est souvent associé à la décadence des mœurs françaises. Diderot, philosophe des Lumières, attaché au naturel de certaines peintures, prend en grippe François Boucher et lui reproche de ne se limiter qu’au faste, aux pompons, aux fesses. Il l’accuse même de prostituer sa propre femme. Mais les commandes érotiques explosent à cette époque et Boucher répond surtout à une demande. En effet, on n’expose déjà plus forcément dans des grandes pièces au XVIIIème siècle, la peinture de boudoir se développe alors, beaucoup plus propice à une exposition de la nudité.” Claire Maingon
Sons diffusés :
- Extrait du film de Jean-Luc Godard, Le Mépris, 1963
- Extrait du film de Joël Séria, Les galettes de Pont-Aven, 1975
- Extrait du film de James Cameron, Titanic, 1998
- Chanson d’Henri Salvador, T’es à peindre
- Lecture par Georges Claisse des Salons de 1765 : essais sur la peinture, de Denis Diderot, 01/02/2010
- Lectures de critiques de la peinture d’Edouard Manet, Olympia, 1863 dans l’émission Dix ans de création dans les lettres et les arts, France Culture, 07/05/1967
- Archive de Niki de Saint Phalle dans l’émission Pour le plaisir, 03/02/1965
- Chanson de Clara Luciani, Nue
Bibliographie :
- Claire Maingon, L'oeil en rut : art et érotisme en France au XIXe siècle, aux éditions Norma
- Claire Maingon, Les chefs-d'oeuvre du patrimoine érotique : peintures, sculptures, monuments, décors, lieux insolites…, Beaux-Arts éditions
- Claire Maingon, Scandales érotiques de l'art, Beaux-Arts éditions