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Soirées performances - Sorcière
divine
Publiée le 18/03/2021
Malgré la fermeture des théâtres au public, la Scène nationale d’Orléans avait à cœur de maintenir une partie de la programmation des Soirées performances 2021 afin de permettre aux artistes de partager leur travail avec les professionnels.
Culture Soirées performances - Sorcière divine
Merci à la Scène nationale d’Orléans, emmenée par François-Xavier Hauville, de ne pas avoir renoncé cette année aux Soirées performances, son festival provocateur, vecteur d’émotions et de sensations fortes, son ode libertaire au spectacle vivant. Car il a permis à une artiste merveilleuse, une diva divine, de rayonner sur scène.
Le bruit et la fureur, puis la douceur, la poésie. La performance I’m a bruja de Annabel Guérédrat est un uppercut. Il nous rappelle, à nous humbles mortels, combien assister à un spectacle en direct dans un théâtre procure un bonheur unique, combien le face-à-face entre un artiste et un spectateur est vital, essentiel, permettant à chacun d’explorer son humanité dans une frontière parfois ténue entre le frisson et le danger, de se mettre à nue. De mise à nue justement, il en est question dans le solo de la performeuse martiniquaise. Triomphante, victorieuse de la vie et de ses batailles, Annabel arrive nue sur scène sous un manteau de fourrure, perchée sur des talons aiguilles argentés, sous les arias de la prêtresse punk Nina Hagen, telle la diva encanaillée de Jean-Jacques Beineix.
Le ton est donné, une femme divinement femme, en chair et en os, en force et en fragilité, une femme qui a porté la vie qui a vécu mille vies, va nous faire passer par toutes les émotions, à travers son corps, instrument suprême, à travers le cri de son corps. Dans une transe divinatoire, une incantation dans laquelle elle convoque les vivants comme les morts, la danseuse revêt, une à une, cinq peaux de Brujas, de sorcières, femmes afro-caribéennes mixant des rituels Yoruba et de la Caraïbe, traversées par d’autres sorcières de la philosophie, de la musique, de la littérature, Audre, Bell, Nina, Valeska, pionnières subversives adulées par l’underground…
Quand Annabel parle des sorcières, elle parle des femmes tout simplement, libres, indépendantes, émancipées, libérées du joug patriarcal et de la société archaïque. Je, tu, vous, nous sommes toutes des sorcières, des brujas. Dans ce solo ensorcelant ancré dans une période post #MeToo, on est happés non pas par son corps ou ses attributs féminins, mais par son regard, son intensité. Tantôt diva, tantôt victime, tantôt guerrière, au son de Vivaldi, du krump ou de l’électro, inspirée aussi bien par les rituels afro-caribéens que par le hip-hop ou le butō, Annabel ne nous lâche jamais des yeux, jamais le cœur, elle nous prend par la main. Ses peintures de guerre sont des paillettes. La sorcière se bat, mais elle prend aussi soin d’elle, de nous. Il y a des monstres, des combats, de l’espoir, de la beauté, de la résilience dans I’m a bruja. Solo organique, chamanique, chargé en âmes, en énergie, en vision. Et à la fin, tel le phœnix, la sorcière renaît de ses cendres dans le strass et les paillettes, se réinvente comme si elle devenait son propre avatar, comme si elle se pixélisait pour entrer dans une autre dimension, numérique, métaphorique. Transcendant tout sur son passage. Une nouvelle pionnière est née.
Les termes "performances", "performeurs", "performeuses", mots récents et à la mode pour désigner une manifestation à vocation artistique, me semblent déplacés, vu l'origine économique.
C'est comme si l'art était réduit à une obsession d'audience ...
Je sais bien que tu n'es pas le seul à les utiliser, mais tu seras peut-être plus enclin à piger cette subtilité qui coince.
Les "performances" et les "installations" artistiques ont un point commun : on est très souvent proche du "n'importe quoi", qui est un terme bien de chez nous (le terme anglais équivalent c'est "bullshit", beaucoup moins élégant)
J'ai appris que "& ", ça s'appelait une éperluette.
Je ne sais pas comment on dit en anglais.
Je suis assez en phase avec les définitions de la page https://www.cnrtl.fr/etymologie/performance qui différencient bien deux sens à ce terme (A et B sur la page citée) même si tous deux ont été empruntés à l'anglais : dans le domaine hippique puis sportif il s'agit des résultats, avec une connotation tirant vers l'exploit puisque dans ces domaines ce qui importe ce sont les bons résultats pas les mauvais (les "contre-performances" justement). Par contre dans le domaine artistique il s'agit simplement d'une représentation et il y a effectivement un faux ami en français entre ces deux sens puisque le public attend souvent de la performance artistique que l'artiste accomplisse quelquechose qui tiendrait de l'exploit alors que l'on n'est pas ici dans le sens sportif du terme.
Effectivement les termes performance et installation recouvrent le plus souvent des démarches expérimentales, que l'on peut mettre dans le grand sac du "n'importe quoi" lorsque l'on y adhère pas mais qui font tout de même avancer l'histoire de l'art (même ce qui conduit à des impasses est nécessaire, justement pour montrer qu'il s'agit d'une impasse et qu'elle a été explorée) et on croise tout de même un certain nombre de perles au sein des ces performances et installations.
A toutes les époques de nombreux artistes novateurs aujourd'hui reconnus ont été rejetés par le grand public, cela ne signifie pas que tous les artistes aujourd'hui rejetés seront tous reconnus à l'avenir, ni même qu'il faille être rejeté pour être reconnu par la suite... Ce serait trop simple...