26 avril 2024

Le strip-tease des paysans mexicains ne fait pas recette

Depuis le 18 avril, plusieurs centaines de paysans la région Veracruz, se dénudent sur l’avenue Reforma dans l’espoir que gouvernement leur accordera les terres qu’ils réclament.

Se déshabiller pour attirer l’attention de l’opinion publique est une méthode souvent efficace : le bikini d’Evangelina, la belle écologiste d’Argentine, a fait le tour des écrans du monde entier lorsqu’elle a surgi devant les chefs d’Etat latino-américains et européens, le 12 mai au sommet de Vienne.
D’autres n’ont pas cette chance. Depuis le 18 avril, plusieurs centaines de paysans de la région de Veracruz, dans le sud-ouest du Mexique, se dénudent sur l’avenue Reforma – les Champs-Elysées de Mexico – dans l’espoir que le gouvernement leur accordera les terres qu’ils réclament. Mais ils ne récoltent que quolibets et indifférence.

Le spectacle a pourtant de quoi surprendre : deux fois par jour, en fin de matinée et d’après-midi, des hommes de tous les âges, coiffés de chapeaux de paille et vêtus d’un simple slip souvent baissé pour dévoiler leurs fesses bronzées, défilent en criant des slogans autour du monument, au carrefour de Reforma et de l’avenue Insurgentes, élevé à la mémoire de Cuauhtémoc, le jeune souverain aztèque qui fut torturé et assassiné par le conquérant Hernan Cortés. Le véritable choc vient des douze femmes entièrement nues, toutes mères de famille et même souvent grands-mères, debout sur des barils, le poing levé et le visage recouvert d’un masque de carnaval à l’effigie du président Vicente Fox.

L’image est si saisissante que des galeristes européens, lors de la Foire d’art contemporain de Mexico, fin avril, ont cru à un happening. “Il faut beaucoup de cran pour oser se montrer comme ça, avoue l’une des manifestantes en tenue d’Eve, Ana Berta Pardo y Romero. La plupart des gens nous insultent, mais il y a aussi quelques femmes qui nous encouragent.

Les jeunes filles se contentent de distribuer des tracts, au côté des vieilles drapées dans leur châle, “car notre but n’est pas de montrer de jolis corps”. Silhouettes usées par les grossesses, visages calcinés de soleil, pieds et mains abîmés par le travail, mais aussi, au fond des yeux, une lueur de défi : c’est un autre Mexique, la plupart du temps invisible, qui s’impose ainsi dans la capitale, au milieu des voitures de luxe, des façades de verre fumé et des créatures publicitaires sublimées par Photoshop.

Depuis 1992, ces ouvriers agricoles qui gagnent 70 pesos (5,30 euros) pour dix heures aux champs s’installent, deux fois l’an, sur l’avenue Reforma. Ils dorment sous des tentes de fortune, se lavent dans un parking, cuisinent la nourriture que des bonnes âmes leur apportent ou qu’ils récupèrent au marché de gros de Mexico.

L’article 27 de la Constitution dit que tout Mexicain a droit à la terre”, explique Agustin Morales Salinas, l’un des porte-parole du Mouvement des 400 villages de l’Etat de Veracruz, créé en 1970 et légalement enregistré malgré bien des péripéties – dont l’emprisonnement, pendant six ans, d’une centaine de ses membres. Les phases de répression, sous les gouvernements du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre), ont alterné avec les concessions. Plus de dix mille hectares ont été distribués, mais des centaines de familles sont restées sur leur faim et attendent encore que le gouvernement honore des engagements pris en 2002. “Cette fois-ci, nous ne repartirons pas avant d’avoir obtenu satisfaction”, annonce Ana Berta.

Aucun parti politique, aucun candidat aux élections générales du 2 juillet, n’a pris la peine de discuter avec eux. Pas même le sous-commandant Marcos, chef des zapatistes du Chiapas, resté à Mexico depuis les graves incidents survenus début mai à Atenco, près de la capitale, où la police a agi avec une grande brutalité contre les manifestants. “Là-bas, ils ont écrasé le mouvement parce qu’il y avait eu des violences contre des policiers, dit Ana Berta. Nous, nous sommes radicaux, mais pacifiques.”

Il est 19 heures : l’heure de la manif. Ana Berta et ses compagnes se déshabillent. Les hommes trempent des torches rudimentaires dans un bidon de diesel et commencent à défiler. Sur Reforma, personne ne semble vraiment les voir.

Joëlle Stolz

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3222,36-780559@51-780639,0.html

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bruneath
21 juin 2006 9h02

Je pense que le but de ce genre de manifestation est de choquer. Or, pour les naturistes, le fait de vivre nu n’est absolument pas choquant. Il s’agit simplement d’exhibitionnisme politico social et ça n’a à mon sens aucun rapport avec le naturisme.

gilles
Administrateur
21 juin 2006 14h25

Aucune manifestation publique nue, ne peut avoir de rapport avec le naturisme. Il s’agit simplement d’évennements qui contribuent à banaliser la nudité naturelle.
Définition internationale du naturisme :
Le Naturisme est une manière de vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par la pratique de la nudité en commun, qui a pour but de favoriser le respect de soi-même, le respect des autres et le soin pour l’environnement.

dokell
6 juillet 2006 14h41

Gilles,

Je dirais même plus: à force de voir la nudité à toutes les sauces, le public en général risque de faire les équations suivantes:

nudité= exhibitionnisme
nudité= revendications sociales ou politiques
nudité= expression artistique (cf. Spencer Tunick)

Alors combien de personnes finalement (hors naturistes) penseront à cette équation du 1er degré?:
nudité= naturisme

David.

FABILL
14 août 2006 15h29

Effectivement le naturisme est un mode de vie, ce genre de mainfestation est uniquement exhibionniste

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