Cancale (35)

Un jour, une plage. Sur la plage du Verger à Cancale, il y a les gens vêtus, et puis les gens tout nus. C'est à eux que nous sommes allés parler, histoire de comprendre leurs motivations.

Pour se lancer et aller interviewer des gens sur une plage naturiste, il existe une technique très simple : il suffit de les regarder droit dans les yeux. Et de ne pas les lâcher, histoire d'éviter de passer pour un(e) voyeuriste.

La plage du Verger à Cancale porte bien son nom : une moitié de la plage est « réservée » aux gens tout nus, façon Adam et Eve dégustant des pommes dans le jardin d'Eden, aux commencements du monde.

"Un moment nature et convivial"
Et c'est un peu cette philosophie qui prime : « Quoi de plus naturel ? C'est un moment nature, convivial, dans un cadre idéal, qu'il faut mériter » revendique Laurent, cancalais de 34 ans, venu avec ses enfants, les mains sur les hanches, on ne peut plus décomplexé.

Certains adoptent une posture plus radicale, veillent au grain quand ils aperçoivent un touriste qui prend une photo depuis les rochers. « Nous on fait en sorte que les gens vêtus ne viennent pas ici. On ne va pas sur la plage textile, alors c'est pareil dans l'autre sens ! » assène un couple adepte du naturisme depuis une vingtaine d'année.

Un prénom ? « Vous n'avez qu'à écrire Jacquie et Michel ! » rigolent-ils, entre second degré et désir de confidentialité.

Une mode de soixante-huitards ?
Sur la plage, un constat : très peu de jeunes adeptes du naturisme. Un phénomène culturel ? La fille de « Jacquie et Michel », adolescente, analyse : « J'ai l'impression que les jeunes sont pudiques en la matière. Les gens ont vraiment une mauvaise image du naturisme. Si je dis à l'école que je le pratique, je suis mal vue».

Alors, le naturisme serait-il un truc d'anciens soixante-huitards, à une époque où la libération des moeurs primait ? Muriel, 65 ans, côté vêtu, le croit : «Je suis allée à Marseille, et là aussi j'ai remarqué que le naturisme était de plus en plus mal vu. Dans tous les cas, j'ai l'impression que ce sont des gens d'un certain âge qui vont sur ces plages.»

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir »
À la frontière entre les deux côtés de la plage, délimitée par une bande de rochers, sa fille Lisa, 27 ans, expérimente le topless (sans le haut), devenu de plus en plus rare. D'ailleurs, « je fais cela de manière vraiment occasionnelle, et je n'oserais pas aller sur une plage naturiste ».

C'est finalement un peu ce rapport à la nudité et au regard des autres qui prime sur une plage naturiste. Et les corps y sont aux premières loges : ça bloblotte, ça tremblotte, les hommes parfois au défi de la gravité, les femmes souvent au défi de la pesanteur ; c'est presque une leçon de poésie. Mais c'est ce qui est beau aussi, parce que c'est le naturel, dans toute sa splendeur.

Qui, forcément, se retrouve exposé au regard des autres. Est-ce que ça mate pour autant ? « Moi je n'ai jamais eu de problème, mais je ne m'aventurerais pas sur une plage naturiste seule » confie Dominique, 52 ans, venue avec son compagnon. Elle porte un simple tee-shirt depuis « un coup de soleil mémorable, en Martinique ».

Des plages secrètes
La plupart des gens n'ont même pas conscience de l'existence de ce côté moins conventionnel de la plage, comme Elodie, venue avec ses enfants Matis et Margot, qui s'exclame : « Il y a une plage naturiste ici ? Je n'étais pas au courant, alors que ça fait des années que je viens sur cette plage, été comme hiver. Il faut dire que je m'égare rarement du côté des rochers... »