Le désir de retour à la nature, gonflé par l’angoisse climatique et les confinements, explique en partie le renouvellement des générations des rangs naturistes.

Le désir de retour à la nature, gonflé par l’angoisse climatique et les confinements, explique en partie le renouvellement des générations des rangs naturistes.
© (Photo Adobe Stock)

Après des années moroses, la moyenne d’âge des amoureux de la vie sans textiles est en baisse. « Osez le naturisme ! », lance la Fédération française du mouvement qui organise dimanche 3 juillet 2022 ses portes ouvertes nationales. Avec un simple mot d’ordre : « journée sans maillot ».

Dès les beaux jours, de retour des champs, François (1) arrose ses fleurs et plonge dans sa piscine dans le plus simple appareil. « Nous n’avons pas de vis-à-vis, donc autant que possible, avec ma femme et mes enfants, nous vivons nus chez nous », explique cet agriculteur de 38 ans, habitant la campagne du nord de la Touraine.

Depuis huit ans, après avoir reçu en guise de cadeau d’anniversaire un séjour dans une yourte naturiste, François a franchi le cap. Conquis par un quotidien sans slip, ni chaussettes, il passe désormais ses vacances, avec sa famille, dans des campings où les vêtements sont proscrits.

"Il n’y a pas de préjugés"

François, 38 ans, agriculteur,Touraine

« Ce sont toujours de beaux endroits où la nature est préservée, où les gens ne se prennent pas la tête, où il n’y a pas de préjugés, détaille-t-il. Au début, nous avions un peu peur de la moyenne d’âge, mais il y a beaucoup de gens de notre génération, et de plus en plus de jeunes. » Ces derniers, las des séjours « textiles », dopés par le sentiment de liberté que peut procurer la nudité, débarquent dans les grands centres de vacances comme dans les petits clubs, plus en phase avec la nature.

« Une enquête de la Fédération française de naturisme de 2015, observait effectivement un rajeunissement des effectifs », confirme Sylvain Villaret, historien spécialiste du naturisme à l’université du Mans (Sarthe).

Un désir de nature

Les mouvements naturistes ont pris leur essor en Europe entre les deux guerres mondiales (dans tous les bords politiques), avant un nouvel élan dans les années 1960 avec les aspirations libertaires. Mais le souffle retombe ensuite, les adeptes de cette vie sans vêtements vieillissent, et les rangs des militants de la Fédération s’éclaircissent.

« Le renouvellement actuel est porté par un contexte environnemental, une prise de conscience du réchauffement de la planète, avec un désir de nature face à une angoisse climatique, observe Sylvain Villaret. Avec le Covid et le confinement, ce désir est encore plus fort ! » 

La Fédération vigilante

Car, attention, le naturisme, ce n’est pas le nudisme, pratiqué occasionnellement sur des plages opportunes, rappellent les militants. « C’est une philosophie qui se vit au quotidien, dans le respect de soi et des autres, dans la volonté de protéger la nature, et qui passe, entre autres, par la nudité », martèle Viviane Tiar, première femme présidente, depuis 2018, de la Fédération française de naturisme. Un mouvement qui n’a pas que des amis.

Le candidat à la députation de Résistons ! – les listes de Jean Lassalle –, dans les Pyrénées-Orientales, avait déclaré sur Twitter vouloir condamner les familles pratiquant le naturisme avec leurs enfants. Devant le tollé provoqué, Anthony Chiffre a dû retirer sa candidature.

« Mais si demain, il continue d’agresser verbalement les naturistes, nous irons au tribunal », rappelle Viviane Tiar. Décidée à défendre coûte que coûte la possibilité de vivre tout nu et, éventuellement, tout bronzé.

 

Le camping naturiste associatif de Cléré-les-Pins en Indre-et-Loire, avec piscine, mini-golf et terrains de pétanque, s’étend sur huit hectares de forêt.
© (Photo NR)

« En une journée, on déconnecte ! »

Ne leur parlez surtout pas du Cap d’Agde ! La médiatisation de la station balnéaire, célèbre pour son centre naturiste et son pôle échangiste, a modifié la perception d’une partie du grand public sur les amoureux de la vie sans textiles.

« Beaucoup de gens associent le naturisme au libertinage », regrette Nathalie (1), 38 ans, assistante maternelle, mère de deux enfants et membre du camping naturiste associatif du Bois des Forges, à Cléré-les-Pins (Indre-et-Loire). « Le but des gens qui viennent ici n’est pas du tout celui-là ! », rappelle Louise (1), 42 ans, professeure des écoles près de Château-du-Loir (Sarthe), qui dispose sur place d’un emplacement avec son compagnon et leurs deux filles.

Au cœur de 8 ha de forêt, cachées des regards indiscrets derrière des palissades en bois, ces familles rajeunissent la moyenne d’âge d’un club plutôt vieillissant.

« Je suis revenue au naturisme après le confinement, dans une démarche de couple, détaille Nathalie (1), qui avait fréquenté le lieu avec ses parents lorsqu’elle était petite. Ici, en une journée, on déconnecte ! On se sent proche de la nature, c’est familial, tout le monde se tutoie et il n’y a pas d’étiquette. »

« Le rapport au corps est différent, enchaîne Louise. On sort des clichés véhiculés par la mode pour voir des corps différents, de tout âge, avec des cicatrices, etc., sans jugement. C’est important, notamment pour les enfants. »

Une semaine famille est d’ailleurs organisée en juillet sur le site aux cent emplacements, dont trente réservés aux vacanciers de passage.

(1) Les prénom ont été modifiés à leur demande.